Je demande, pour ma part, à être conduit au cimetière dans une voiture de déménagement.
André Breton – Manifeste du surréalisme
Surréalisme, l’art de l’image…
Pas de surréalisme sans une image, montrée ou imaginée. L’image doit fonctionner à deux niveaux : au niveau symbolique, évidemment, mais aussi au niveau immédiat, au premier degré. L’image surréaliste, même si vous ne comprenez pas tout de suite sa signification, vous le prenez en plein dans le buffet, c’est même ça qui vous signale qu’elle est surréaliste.
Ainsi donc, l’image du corbillard remplacé par un camion de déménagement. Il faut imaginer tout de même qu’en 1924 les corbillards ressemblaient à ça :
A quoi on opposera ça :
On voit donc que, vu ici, le camion de déménagement fait choc, avant même que l’on sache pourquoi.
Reste que le symbole apparaît très vite : refus du cérémonial, recherche de ce qui va faire de la dépouille du défunt un objet qui encombre et dont on va se débarrasser. Les funérailles sont une façon élégante de débarrasser le plancher, et le camion de déménagement ne fait que démasquer les faux semblant.
Reste que le camion de déménagement va forcément d’un lieu à l’autre : on le déménage d'ici pour qu’il emménage là, autrement dit on emporte le mort pour le déposer dans une sépulture qu’on ira fleurir à la Toussaint. C’est là qu’il emménage, c’est là qu’il va reposer éternellement. Bien des gens vont jusqu’à retenir une place – leur place – dans un cimetière en fonction du paysage qu’on y voit. Tant qu’à faire, ils devraient aussi se soucier des autres morts du voisinage (1).
Maintenant on fait beaucoup plus fort que Breton : plus de camion, plus de déménagement : une urne de cendres éparpillées au vent, et le tour est joué.
Je demande pour ma part, le jour de mon enterrement, que soit branché un bon ventilateur.
(1) Des fois que les molécules des uns se mêlent aux molécules des autres, comme le suggérait Diderot…
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