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Les inventeurs visionnaires : Platon et la télévision.
- …penses-tu que dans une telle situation ils [= les prisonniers de la caverne] aient jamais vu autre chose d'eux-mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face ?
- Et comment ? observa-t-il, s'ils sont forcés de rester la tête immobile durant toute leur vie ?
- Et pour les objets qui défilent, n'en est-il pas de même ?
- Sans contredit.
Platon République VII (515a)
Pour un extrait un peu plus long, cf. infra. Pour le passage complet avec les images, cliquer ici
Ah !... La caverne de Platon… Imaginez le nombre d’innocents lycéens qui vont prochainement entrer tout frissonnant de curiosité dans leur premier cours de philosophie et qui vont se cogner la tête contre son plafond. Car, il faut le savoir, bien des profs de philo, désireux de faire comprendre qu’on n’apprend de la philosophie qu’au prix d’une conversion de l’esprit et de sa pénible ascèse, font de cet extrait le contenu de leur premier cours.
Bon, passons… Ce superbe texte a été aussi un excitant pour des amateurs de Science Fiction autour du film Matrix… Respect, d’autant que d’éminents philosophes n’ont pas dédaigné de se pencher sur le parallèle (1).
Moi, modestement, je me contenterai de relever qu’ici Platon ne fait rien d’autre que d’inventer la télévision. Et plutôt TF1 qu’arte si vous voyez ce que je veux dire…
L’idée que nous avons ici, c’est que la télévision, au lieu d’être une fenêtre ouverte sur le monde (une étrange lucarne comme disait le Canard enchaîné) est un substitut de la réalité, quelque chose qu’on prend pour la réalité, mais qui n’en est pas.
Toute la question est alors : qu’est-ce qu’on voit sur la paroi-écran de la caverne ?
Dans le texte de Platon, il s’agit de tout ce qui nous entoure, l’illusion consistant à prendre le monde sensible pour le monde réel.
Mais pour nous, ce que la télévision nous donne à voir, comme si c’était la réalité, c’est l’objet de nos désirs. Ni plus ni moins. Telle est notre caverne – elle s’appelle certes Télé-réalité, mais on voit bien qu’on doit trafiquer la réalité pour qu’elle coïncide avec nos désirs.
Oubliez la réalité, entrez dans le monde du fantasme.
Quoi ? Vous le trouvez creux et vulgaire ?
Oui… J’oubliais : c’est le monde des fantasmes des ménagères de moins de 50 ans.
(1) Je veux parler de Matrix, machine philosophique édité chez Ellipses. Voir ici
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Extrait :
(514a) Maintenant, repris-je, représente-toi de la façon que voici l'état de notre nature relativement à l'instruction et à l'ignorance. Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière ; ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu'ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux (514b), la chaîne les empêchant de tourner la tête ; la lumière leur vient d'un feu allume sur une hauteur, au loin derrière eux ; entre le feu et les prisonniers passe une route élevée : imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles.
Je vois cela, dit-il.
Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant (514c) des objets de toute sorte, qui dépassent le mur, (515a) et des statuettes d'hommes et d'animaux, en pierre, en bois, et en toute espèce de matière ; naturellement, parmi ces porteurs, les uns parlent et les autres se taisent.
Voila, s'écria-t-il, un étrange tableau et d'étranges prisonniers.
Ils nous ressemblent, répondis-je ; et d'abord, penses-tu que dans une telle situation ils aient jamais vu autre chose d'eux-mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face ?
Et comment ? observa-t-il, s'ils sont forcés de rester la tête immobile (515b) durant toute leur vie ?
Et pour les objets qui défilent, n'en est-il pas de même ?
Sans contredit.
Si donc ils pouvaient s'entretenir ensemble ne penses tu pas qu'ils prendraient pour des objets réels les ombres qu'ils verraient ?
Il y a nécessité.
Et si la paroi du fond de la prison avait un écho, chaque fois que l'un des porteurs parlerait, croiraient-ils entendre autre chose que l'ombre qui passerait devant eux ?
Non, par Zeus, dit-il.
Assurément, repris-je, (515c) de tels hommes n'attribueront de réalité qu'aux ombres des objets fabriqués.
C'est de toute nécessité.
Platon République VII (514a-515c)
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