Sunday, August 30, 2009

Citation du 29 août 2009

Nous n'avons rien à nous que le temps.

Baltasar Gracian – l’homme universel


Séquence souvenir : l’époque de nos lointaines rentrées scolaires, quand le prof de philo préparait ses élèves à leur première dissertions, choisissant un sujet bien classique :

On a dit : l’espace est la dimension de notre puissance, le temps est celle de notre impuissance. Qu’en pensez-vous ?

Rassurez-vous, il ne s’agit pas de savoir ce que vous en pensez (d’autant que vous n’en avez peut-être rien à faire).

Non, c’est plutôt pour faire comprendre l’étonnement que peut susciter la citation de Gracian. Si le temps est ce qui nous appartient, comment se fait-il que nous soyons impuissants à le gouverner ?

Et en effet : quand on pense aux regrets que suscitent les souvenirs – rappelez-vous, ces dernières vacances, la boite de nuit au bord de la plage, la moiteur des slows avec une fille sublime, forcément sublime…

Et votre grand-père (oui, celui qu’on a rencontré il n’y a pas longtemps, le spécialiste d’Emmanuelle Arsan), ne répète-t-il pas qu’il faut ne jamais gaspiller son temps, parce que la vie est bien courte…

Bon pas besoin de vous faire un dessin : lors que nous disons que nous avons le temps, c’est en général parce qu’il nous importe peu. Dès qu’il devient central pour notre action, alors il commence à être rétif, il file plus vite que le vent : on devine qu’il ne nous appartient pas, qu’il peu en effet nous être utile, mais sûrement pas qu’il nous obéit.

Pour illustrer cette idée le plus simple est peut-être de rappeler ce passage d’Alice au Pays des merveilles, intitulé Un thé chez les fous.

Alice arrive chez le Chapelier pour prendre le thé, et elle trouve les convives installés devant une immense table, buvant leur tasse de thé ; après l’avoir reposée, ils se décalent d’une place, prennent une nouvelle tasse qu’ils boivent à nouveau. Alice s’étonne, on lui répond que le chapelier s’est fâché avec le temps (parce que nous dit-on, il voulait marquer le temps). Du coup, le temps s’est arrêté, et désormais, c’est toujours l’heure du thé, jamais celui de faire la vaisselle.

Voilà : ça suffit pour dire que le temps nous est indispensable pour accomplir n’importe quelle action ; mais ce n’est sûrement pas suffisant pour dire qu’il nous appartient.

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