Cyrano – Eh bien ! oui, c'est mon vice. / Déplaire est mon plaisir. J'aime qu'on me haïsse.
Edmond Rostand – Cyrano de Bergerac (Acte II, scène VIII) (1)
Les plaisirs insolites 1 : la joie d’être haï.
Dans la série des plaisirs insolites, je crois bien avoir trouvé l’un des plus étonnant : le bonheur d’être détesté. Car il y a des gens – peut être en connaissez-vous – qui cherchent à se faire détester, non pas pour justifier leur amertume congénitale devant la vie, mais bien parce que ça leur procure le frisson du plaisir.
Peut-être s’agit-il seulement de masochistes qui jouissent ainsi d’une humiliation de plus. Peut-être…
Mais je crois qu’on devrait chercher un peu plus loin,
--> Trois raisons de préférer avoir des ennemis plutôt que des amis.
1 – Cyrano préfère avoir des ennemis plutôt que des amis : parce que les ennemis sont sincères alors que les amis ne le sont pas. Comme dit le proverbe : Seigneur, protégez-moi de mes amis… mes ennemis je m’en charge.
2 – Reportons nous il y a 20 ans en arrière : le mur de Berlin vient de tomber. Un de mes élèves, de droite presque extrême comme il sied quand on a 18 ans, ronchonne : « Maintenant, on n’a plus d’ennemis. Comme on va faire ? ». Et il était loin d’être le seul à le dire : l’ennemi est celui qui vous stimule, qui vous force à bander vos muscles, à vous entraîner chaque jour à la lutte. La haine, qu’elle soit ressentie ou éprouvée, a cela de bénéfique qu’elle empêche l’amollissement – comme ce qui est arrivé à l’armée d’Hannibal avec les délices de Capoue.
3 – Revenons à Cyrano. Supposons qu’il vive dans un monde de larves et d’abrutis. Comment ne pas être humilié d’avoir de tels gens pour amis ? Comme on dit parfois à ceux qu’on méprise : Vous et moi nous n’avons pas les mêmes valeurs.
Il est alors plus rassurant d’être détesté que d’être aimé par ces gens-là.
(1) Contexte :
Le Bret – Tout seul, soit ! mais non pas contre tous ! Comment diable / As-tu donc contracté la manie effroyable / De te faire toujours, partout, des ennemis ?
Cyrano – A force de vous voir vous faire des amis, / Et rire à ces amis dont vous avez des foules, / D'une bouche empruntée au derrière des poules ! / J'aime raréfier sur mes pas les saluts, / Et m'écrie avec joie : un ennemi de plus !
Le Bret – Quelle aberration !
Cyrano – Eh bien ! oui, c'est mon vice. / Déplaire est mon plaisir. J'aime qu'on me haïsse.
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