Comment il faut s’exercer en face des représentations – Distinguer ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas.
Epictète – Entretiens (III, 7)
Nous devrions méditer les stoïciens, en ce moment où les esprits s’échauffent un peu avec la conférence de Copenhague.
Que disent-ils ? Que nous ne devons nous préoccuper de ce qui dépend de nous (nos décisions, nos représentations, nos sentiments) et pas du tout de ce qui résulte des mécanismes de la nature et des actes des puissants. (1)
Autrement dit, selon eux, il faut se changer soi-même plutôt que de changer quoique ce soit à la nature. Et donc qu’il existe une ligne de démarcation entre nous-mêmes et la nature, et que cette ligne épouse le contour de notre impuissance. Ajoutons même qu’elle nous traverse, puisque notre corps lui-même dépend de la nature.
C’est cette représentation qui sert de fond à notre mentalité, et c’est cette mentalité que la modernité a bousculé : aujourd’hui notre puissance technique a fait bouger cette ligne de démarcation entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas. Et c’est là qu’est le problème.
Car enfin : saurions-nous aujourd’hui, répondre à la question d’Epictète ? Saurions-nous dire qu’est-ce qui ne dépend pas de nous ?
- La fonte de la calotte glacière ? C’est nous.
- La disparition des ours blancs, et celle de la forêt amazonienne, la perte de la diversité biologique ? C’est nous.
- La pollution de l’air, de l’eau, les immondices qui s’accumulent – que sais-je encore ?...
On voit donc que malgré tout, nous savons parfaitement répondre à la question d’Epictète. Prenant à contre pied les stoïciens nous affirmons que tout dépend de nous. Voilà que dans un accès d’orgueil dont l’espèce humaine est coutumière, mais qui dépasse cette fois toutes les limites, nous pensons avoir la puissance de tout détruire, la nature, la terre… et même pas en faisant péter le stock d’armes nucléaires. Non.
Simplement en oubliant de fermer le robinet en nous lavant les dents ou en jetant nos piles usagées à la poubelle.
(1) On l’aura compris, les Stoïciens ne sont pas vraiment des révolutionnaires : « accepte les décisions du tyran, puisqu’elles ne dépendent pas de toi. » Bon.
No comments:
Post a Comment