Thursday, December 10, 2009

Citation du 11 décembre 2009

Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny / Envole-moi au ciel... zoum! / Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny / Moi j'aime l'amour qui fait boum!

Paroles: Boris Vian – Fais-moi mal, Johnny (chanté par Magali Noël ici en vidéo)

Martine : Voyez un peu cet impertinent, qui veut empêcher les maris de battre leurs femmes.

Molière, le Médecin malgré lui, acte I, scène II


Les plaisirs insolites 2 : l’amour qui fait boum !

L’amour qui fait boum est-il un plaisir si insolite ? Sans aller chercher une perversion bien connue en psychiatrie (1), rappelons nous Molière : « il me plait d’être battue » objecte Martine à M. Robert (2) qui veut empêcher Sganarelle de la rosser. Et qu’on ne croie pas que ce soit pour empêcher un étranger de se mêler des affaires du couple. Non. Car juste avant, Martine s’est écriée : Voyez un peu cet impertinent, qui veut empêcher les maris de battre leurs femmes.

En fait, ce qui est insolite, c’est plutôt que ce soit un plaisir – car notre époque qui consacre chaque année une journée à la lutte contre la violence conjugale, estimerait sans doute le cas de Martine comme l’effet d’une sujétion à la violence du mari, qui ajoute les traumatismes psychiques aux blessures physiques. Alors, loin de moi l’intention de justifier la violence conjugale – ou autre – mais il faut admettre que les plaisirs recèlent bien des secrets, au nombre des quels se trouve effectivement l’union de la souffrance physique et de la jouissance. Bataille en fait l’essentiel de son ouvrage consacré aux larmes d’Eros, et Sade, et Sacher Masoch avec sa Vénus à la fourrure… Ces ouvrages sont souvent cités, rarement lus, et presque jamais avec plaisir. Pourquoi ? Est-ce leur caractère moralement ignoble qui nous rebute ?

S’il est vrai que rares sont les occasions qui nous sont offertes, comme dans cette chanson de Boris Vian, de rire avec ce genre de plaisir, c’est qu’on a du mal à en rire. D’habitude nous prenons ça très sérieux et ça nous tire des sentiments troublants – et c’est ça qui compte : notre plaisir secret au récit de ces tortures nous arrache aussi la souffrance d’une culpabilité éprouvée à cette coupable délectation.

C’est bien ce que disait Simone de Beauvoir : il faut brûler Sade.



(1) algolagnie : Forme de perversion sexuelle dans laquelle le fait d'infliger ou de subir de la douleur augmente le plaisir de l'acte sexuel, ou produit un plaisir sexuel indépendamment de l'acte

(2) Molière, le Médecin malgré lui, acte I, scène II

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