Le gouvernement a un bras long et l’autre court : le long sert à prendre, et il arrive partout ; le bras court sert à donner et il n’atteint que les plus proches.
Ignazio Silone – Le Pain et le Vin
Toinette – Que diantre faites-vous de ce bras-là?
Argan – Comment?
Toinette – Voilà un bras que je me ferais couper tout à l'heure, si j'étais que de vous.
Argan – Et pourquoi?
Toinette – Ne voyez-vous pas qu'il tire à soi toute la nourriture, et qu'il empêche ce côté-là de profiter?
Molière – Le Malade imaginaire – Acte III, scène 10
Le gouvernement a un bras long pour prendre et l’autre court pour donner. Il n’est pas indifférent que ce soit un italien qui ait écrit cette phrase : l’Italie, qui a inventé du temps de l’Empire romain le clientélisme.
Car : ne s’agit-il pas ici de décrire attente et crainte du citoyen/sujet face au pouvoir économique de l’Etat ? L’Etat qui taxe et impose (grâce à son long bras) tous ceux qui sont sous son autorité, et qui favorise par des prébendes et des privilèges (grâce à son bras court) tous ceux qui sont dans son cercle familier ?
Ceux qui voient l’Etat comme cela doivent penser, comme Toinette, qu’un manchot qui a le bras long vaut mieux qu’un homme ordinaire avec ses deux bras. A condition que le bras long soit le bras court devenu long. Vous me suivez ?
Et nous, où en sommes-nous ?
- Le bras long ? Taxe-carbone, Tarifs du gaz et de l’électricité, impôts (y compris les impôts locaux), que sais-je encore ?
- Le bras court ? Népotisme, gabegie des ministères, rétribution du chef de l’Etat et liste civile de l’Elysée, etc…
Avons-nous une autre perspective sur l’Etat ? Peut-être pas. Avouez que nous avons une excuse pour cela : c’est qu’il s’agit d’un très long passé historique, et que voir l’Etat comme celui qui donne ou qui refuse les moyens de subsistance, c’est très exactement ce que les sujets des rois ont toujours vu dans leur souverain. Non pas qu’il leur eut donné quoique ce soit. Mais plutôt que par une sorte de pouvoir magique on le croyait en capacité d’attirer la prospérité sur eux. (Voyez l’image ci-contre : c’est la statue de Louis XV qui est au centre de la Place Royale de Reims : le monarque, le bras (long ?) étendu, protège les sciences et les arts pendant que le commerce prospère (à ses pieds)
Finalement, si nous, français, nous avons fait la révolution, ce n’est peut-être pas pour que la liberté et les lumières se répandent à flot sur le bon peuple.
Mais plutôt pour que, grâce à la Démocratie, le peuple souverain puisse piquer dans la caisse…
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