Friday, December 11, 2009

Citation du 12 décembre 2009

- Métroclès (…), avait été si bien gâté qu'un jour où, au milieu d'un exercice oratoire, il avait lâché un pet ; il resta enfermé chez lui, découragé, bien décidé à se laisser mourir de faim. Lorsqu'il appris la chose, Cratès, qu'on avait sollicité, se rendit chez lui et, après avoir à dessein mangé des lupins, le persuada, arguments à l'appui, qu'il n'avait rien fait de mal. C'eût été en effet un prodige que les gaz ne fussent pas eux aussi rejetés de façon naturelle. Finalement Cratès se mit à lâcher des pets et réconforta Métroclès, en le consolant grâce à l'imitation de ses actes. De ce jour, Métroclès fut son auditeur et devint un homme apte à la philosophie.

Diogène Laërce – Vies et doctrines des philosophes illustres (VI 94 Métroclès) (La Pochothèque p.759)


- Saint Augustin allègue avoir vu quelqu'un qui commandait à son derrière autant de pets qu'il en voulait…

Montaigne – Essais I, 21


- Qui ne rote ni ne pète est voué à l'explosion.

Lao-Tseu / Érasme (1)

Devra-t-on étendre la taxe carbone aux flatulences ? La presse nous parle de deux héros qui ont vécus un an à zéro émission de CO2 : ont-ils pris en considérations ces émissions involontaires ? Car enfin, pourquoi devrait-on ne considérer comme dangereux pour l’environnement que les pets des vaches ?

Mon but n’est pas de traiter scientifiquement ces questions, d’autant que je suis personnellement très choqué qu’on évoque de pareils faits. Mais si je passe outre mes réticences, c’est pour montrer que les philosophes n’ont pas dédaigné de se pencher sur la question.

Oui, mes chers lecteurs des philosophes parmi les plus réputés ont évoqué le pet, il n’est pour s’en persuader que de considérer les auteurs de nos citations du jour.

Certains diront (comme Lao-Tseu ou Erasme) que le pet est une conséquence de notre organisation physiologique et qu’il faut le subir comme un fait qu’on ne saurait contrarier sans mette en cause notre santé.

Certes, mais qu’on ne croie pas que la philosophie se contente de ces observations sanitaires. Car Diogène Laërce affirme qu’on peut philosopher même s’il arrive qu’on pète, mais surtout que c’est le propre du sage de savoir le reconnaître.

De plus, Montaigne attribue à Saint Augustin (voir infra le contexte de notre citation – note 2) l’affirmation que la puissance de la volonté peut se vérifier par la capacité à « commander à son derrière », ce qui veut dire non pas retenir ses pets, mais « les lâcher en les organisant suivant le ton des vers qu’on prononçait ».

N’allez pas croire, mes chers lecteurs, que Saint Augustin ait encensé la pétomanie. Ce qu’il veut nous dire, c’est que l’âme est d’autant plus forte qu’elle gouverne le corps et que gouverner le corps, ce n’est pas seulement le retenir, mais c’est aussi l’amener à produire à volonté et non selon les hasards de ses besoins.

Car voilà la leçon du jour : ce n’est pas en imposant à notre corps l’abstinence que nous montrerons notre puissance sur lui ; c’est aussi en le forçant à produire profusion. Et pas seulement dans le domaine dont nous parlons aujourd’hui.

Oui, mes chers lecteurs, vous aussi vous pouvez parvenir à une pareille maîtrise de votre corps. Toutefois, je vous conseillerai d’exprimer votre volonté en démultipliant votre capacité copulative plutôt que vos flatulences : l’empreinte carbone est plus favorable.


(1) Je n’ai pas réussi à départager entre ces deux attributions la quelle est la plus authentique. J’ai même trouvé la version d’Erasme en latin (de cuisine ?) : Qui nec ructat nec pedit fragori atque eruptioni promissus est.

(2) « Et ce que, pour autorizer la toute puissance de nostre volonté, Sainct Augustin allegue avoir veu quelqu'un qui commandoit à son derriere autant de pets qu'il en vouloit, et que Vivès, son glossateur, encherit d'un autre exemple de son temps, de pets organisez suivant le ton des vers qu'on leur prononçoit, ne suppose non plus pure l'obeissance de ce membre ; car en est il ordinairement de plus indiscret et tumultuaire. Joint que j'en sçay un si turbulent et revesche, qu'il y a quarante ans qu'il tient son maistre à peter d'une haleine et d'une obligation constante et irremittente, et le menne ainsin à la mort. » Montaigne – Essais, livre I chap.XXI

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