La propreté physique conduit à la pureté morale.
Le
Talmud
… j'entendis Licentius qui chantait
joyeusement et bruyamment ce verset des psaumes : "Dieu des vertus,
convertis-nous et montre-nous ta face et nous serons sauvés". La veille
déjà, après le dîner, étant sorti pour satisfaire un besoin de la nature, il
avait chanté ce verset […]
Saint Augustin,
De l'Ordre, livre I, section III, VIII, 22-23, in Dialogues philosophiques, (Texte en Annexe)
Inter feces et urinam nascimur (Nous
sommes nés entre les fèces et l’urine (1))
Attribué
à Saint Augustin
Aujourd’hui, c’est dimanche : c’est
le jour de votre bain hebdomadaire. Ne l’oubliez surtout pas ! Car La propreté physique conduit à la pureté
morale : cet adage est quasiment universel, en tout cas beaucoup de
religions le promulguent. C’est ainsi que les musulmans (et sans doute bien
d’autres) pratiquent des ablutions chaque fois qu’ils ont satisfait un besoin de la nature.
Or, voici que Saint Augustin nous parle
d’un homme qui chante un Psaume aux cabinets (voir annexe). On le lui
reproche : ce n’est pas un lieu pour s’adresser à Dieu.
- J’imagine que beaucoup d’entre vous,
mes chers lecteurs, pensent aussi qu’il s’agit d’un épouvantable
blasphème : ̶ Comment peut-on interpeler Dieu alors qu’on
est en train de déféquer ? Voilà une provocation vraiment ignoble !
Seulement, c’est à Saint Augustin qu’on
s’adresse ici. Et Augustin est sérieux quand il parle de ces choses. Que nous
dit-il ? C’est au milieu de nos ordures que nous implorons Dieu ?
Quoi de plus inévitable ?
« Car
d'où demandons-nous à Dieu de nous tirer pour nous tourner vers lui et nous
montrer son visage, sinon de l'ordure et des immondices corporelles et aussi
des ténèbres dont l'erreur nous enveloppe ? » écrit Augustin dans le
texte cité (§23).
Notre
corps est immonde, ainsi qu’en témoigne notre naissance (2)
Comment sortir de cette inévitable souillure sans l’aide de Dieu ? Et ne
devons-nous pas le remercier de se tourner vers nous alors même que nous
produisons ces immondices qui nous constituent ?
L’idée est donc la suivante :
puisque nous ne pouvons pas, même par des pratiques d’hygiène rigoureuses,
atteindre la propreté qui pourrait être assimilée à de la pureté, alors
demandons à Dieu de nous aimer quand même.
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(1) Allusion à la position de la
matrice par rapport au méat urinaire et à l’anus
(2) Nous sommes sortis du corps de notre
mère au milieu de son urine et de ses excréments : il y a une discussion
très savante quant à savoir quel est l’auteur de cette citation.
Et son sens est également discuté :
s’agit-il de dire que nous sommes souillés dès la naissance ? Ou de
montrer que la femme est impure ? Ou encore de rappeler une réalité
physiologique ?
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Annexe :
« 22. Tout à coup, j'entendis
Licentius qui chantait joyeusement et bruyamment ce verset des psaumes :
"Dieu des vertus, convertis-nous et montre-nous ta face et nous serons
sauvés". La veille déjà, après le dîner, étant sorti pour satisfaire un
besoin de la nature, il avait chanté ce verset, sur un ton un peu trop haut. Ma mère ne put admettre
que dans un pareil lieu on répétât sans cesse de telles paroles. En effet, il
ne chantait que ce verset, dont il venait d'apprendre la musique, et qu'il
aimait comme on aime une mélodie nouvelle. Cette femme si pieuse, comme tu
sais, lui en fit des reproches, en précisant que l'endroit était mal choisi
pour ce chant. A quoi il répondit en plaisantant : "Pensez-vous que si
quelque ennemi m'avait enfermé ici, Dieu
aurait refusé d'écouter ma voix ?"
23.
Le matin donc, étant rentré seul - car tous deux étaient sortis pour le même
motif - il s'approcha de mon lit : Dis-moi la vérité, et qu'il en soit de nous
comme tu l'entends : que penses-tu de moi ?" Et moi, prenant la main du jeune homme : Ce
que je pense, dis-je, tu le sens, tu le crois, tu le comprends. Car ce n'est
pas en vain, j'imagine, que tu as chanté hier si longtemps en demandant que le
Dieu des vertus se montre à toi, une fois converti. Il s'en souvint et me dit,
rempli d'admiration : Tu dis une grande vérité. Car je ne suis pas médiocrement
ému qu'ayant eu tant de peine récemment à me voir arraché aux frivolités de mon
poème, j'aie maintenant dégoût et honte à y revenir et que je sois transporté à
fond par de grands et merveilleux sujets. N'est-ce pas là vraiment être
converti à Dieu ? Et je me réjouis en même temps qu'on ait voulu en vain me
faire un scrupule superstitieux de ce que je chantais à plusieurs reprises de
telles paroles en un tel lieu. Quant-à moi, dis-je, je n'en suis pas choqué et
je crois que l'ordre dont nous traitons réclame que, même de cela nous parlions
un peu ? En effet, cet endroit même,
dont ma mère a été choquée, et la nuit, conviennent à mon avis pour ce
chant. Car d'où demandons-nous à Dieu de nous tirer pour nous tourner vers lui
et nous montrer son visage, sinon de l'ordure et des immondices corporelles et
aussi des ténèbres dont l'erreur nous enveloppe ? Ou encore, se convertir,
qu'est-ce donc sinon s'élever au-dessus de soi par la domination des vices, par
la vertu et la tempérance ? Et la face de Dieu, qu'est-ce autre choses que
cette vérité même vers laquelle nous soupirons et à laquelle, quand nous
l'aimons, nous nous élevons purs et
beaux ? On ne saurait mieux dire, s'écria-t-il. Puis, plus bas, comme à
l'oreille : Vois, je te prie, quel concours de circonstances pour que je croie
que rien ne nous arrive que par l'effet d'un ordre favorable. »
Saint
Augustin, De l'Ordre, livre I, section III, VIII, 22-23, in Dialogues
philosophiques, Desclée de Brouwer,pp. 189-90, 1955
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