Saturday, July 12, 2014

Citation du 13 juillet 2014


La propreté physique conduit à la pureté morale.
Le Talmud
… j'entendis Licentius qui chantait joyeusement et bruyamment ce verset des psaumes : "Dieu des vertus, convertis-nous et montre-nous ta face et nous serons sauvés". La veille déjà, après le dîner, étant sorti pour satisfaire un besoin de la nature, il avait chanté ce verset […]
Saint Augustin, De l'Ordre, livre I, section III, VIII, 22-23, in Dialogues philosophiques, (Texte en Annexe)

Inter feces et urinam nascimur (Nous sommes nés entre les fèces et l’urine (1))
Attribué à Saint Augustin

Aujourd’hui, c’est dimanche : c’est le jour de votre bain hebdomadaire. Ne l’oubliez surtout pas ! Car La propreté physique conduit à la pureté morale : cet adage est quasiment universel, en tout cas beaucoup de religions le promulguent. C’est ainsi que les musulmans (et sans doute bien d’autres) pratiquent des ablutions chaque fois qu’ils ont satisfait un besoin de la nature.
Or, voici que Saint Augustin nous parle d’un homme qui chante un Psaume aux cabinets (voir annexe). On le lui reproche : ce n’est pas un lieu pour s’adresser à Dieu.
- J’imagine que beaucoup d’entre vous, mes chers lecteurs, pensent aussi qu’il s’agit d’un épouvantable blasphème :  ̶  Comment peut-on interpeler Dieu alors qu’on est en train de déféquer ? Voilà une provocation vraiment ignoble !
Seulement, c’est à Saint Augustin qu’on s’adresse ici. Et Augustin est sérieux quand il parle de ces choses. Que nous dit-il ? C’est au milieu de nos ordures que nous implorons Dieu ? Quoi de plus inévitable ?
« Car d'où demandons-nous à Dieu de nous tirer pour nous tourner vers lui et nous montrer son visage, sinon de l'ordure et des immondices corporelles et aussi des ténèbres dont l'erreur nous enveloppe ? » écrit Augustin dans le texte cité (§23).
Notre corps est immonde, ainsi qu’en témoigne notre naissance (2) Comment sortir de cette inévitable souillure sans l’aide de Dieu ? Et ne devons-nous pas le remercier de se tourner vers nous alors même que nous produisons ces immondices qui nous constituent ?
L’idée est donc la suivante : puisque nous ne pouvons pas, même par des pratiques d’hygiène rigoureuses, atteindre la propreté qui pourrait être assimilée à de la pureté, alors demandons à Dieu de nous aimer quand même.
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(1) Allusion à la position de la matrice par rapport au méat urinaire et à l’anus
(2) Nous sommes sortis du corps de notre mère au milieu de son urine et de ses excréments : il y a une discussion très savante quant à savoir quel est l’auteur de cette citation.
Et son sens est également discuté : s’agit-il de dire que nous sommes souillés dès la naissance ? Ou de montrer que la femme  est impure ? Ou encore de rappeler une réalité physiologique ?
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Annexe :
« 22. Tout à coup, j'entendis Licentius qui chantait joyeusement et bruyamment ce verset des psaumes : "Dieu des vertus, convertis-nous et montre-nous ta face et nous serons sauvés". La veille déjà, après le dîner, étant sorti pour satisfaire un besoin de la nature, il avait chanté ce verset, sur  un ton un peu trop haut. Ma mère ne put admettre que dans un pareil lieu on répétât sans cesse de telles paroles. En effet, il ne chantait que ce verset, dont il venait d'apprendre la musique, et qu'il aimait comme on aime une mélodie nouvelle. Cette femme si pieuse, comme tu sais, lui en fit des reproches, en précisant que l'endroit était mal choisi pour ce chant. A quoi il répondit en plaisantant : "Pensez-vous que si quelque ennemi m'avait enfermé ici, Dieu  aurait refusé d'écouter ma voix ?"

23. Le matin donc, étant rentré seul - car tous deux étaient sortis pour le même motif - il s'approcha de mon lit : Dis-moi la vérité, et qu'il en soit de nous comme tu l'entends : que penses-tu de moi ?"  Et moi, prenant la main du jeune homme : Ce que je pense, dis-je, tu le sens, tu le crois, tu le comprends. Car ce n'est pas en vain, j'imagine, que tu as chanté hier si longtemps en demandant que le Dieu des vertus se montre à toi, une fois converti. Il s'en souvint et me dit, rempli d'admiration : Tu dis une grande vérité. Car je ne suis pas médiocrement ému qu'ayant eu tant de peine récemment à me voir arraché aux frivolités de mon poème, j'aie maintenant dégoût et honte à y revenir et que je sois transporté à fond par de grands et merveilleux sujets. N'est-ce pas là vraiment être converti à Dieu ? Et je me réjouis en même temps qu'on ait voulu en vain me faire un scrupule superstitieux de ce que je chantais à plusieurs reprises de telles paroles en un tel lieu. Quant-à moi, dis-je, je n'en suis pas choqué et je crois que l'ordre dont nous traitons réclame que, même de cela nous parlions un peu ? En effet, cet endroit même,  dont ma mère a été choquée, et la nuit, conviennent à mon avis pour ce chant. Car d'où demandons-nous à Dieu de nous tirer pour nous tourner vers lui et nous montrer son visage, sinon de l'ordure et des immondices corporelles et aussi des ténèbres dont l'erreur nous enveloppe ? Ou encore, se convertir, qu'est-ce donc sinon s'élever au-dessus de soi par la domination des vices, par la vertu et la tempérance ? Et la face de Dieu, qu'est-ce autre choses que cette vérité même vers laquelle nous soupirons et à laquelle, quand nous l'aimons,  nous nous élevons purs et beaux ? On ne saurait mieux dire, s'écria-t-il. Puis, plus bas, comme à l'oreille : Vois, je te prie, quel concours de circonstances pour que je croie que rien ne nous arrive que par l'effet d'un ordre favorable. »
Saint Augustin, De l'Ordre, livre I, section III, VIII, 22-23, in Dialogues philosophiques, Desclée de Brouwer,pp. 189-90, 1955

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