La race des gladiateurs n'est pas morte,
tout artiste en est un. Il amuse le public avec ses agonies.
Gustave
Flaubert – Correspondance
Allez ! Encore un petit tour du
côté des artistes ? Ce n’est quand même pas si souvent, juste de temps en
temps, quand on rogne leur maigre indemnité et qu’ils font alors beaucoup de
bruit.
Dans la lignée des jugements hostile à
leurs revendications, après Henry Miller (voir ici), voici maintenant
Flaubert : l’Artiste est celui qui geint, qui agonise, longtemps, pour
qu’on en profite bien. S’il se refuse à faire entendre cette belle plainte,
qu’à cela ne tienne ! On n’a qu’à leur dire de se serrer encore la
ceinture – d’un cran de plus…
o-o-o
Il
amuse le public avec ses agonies… Evidemment,
on pense à ces morts d’opéra où la Diva agonise en criant à plein poumons son
désespoir de mourir à la fleur de l’âge. Ou bien à ces soliloques tragiques qui
durent une demi-heure où le Héros, un poignard planté dans le dos nous explique
qu’il a été, comme Samson, trahi par la femme qu’il aime…
Mais la comparaison de Flaubert va plus
loin : il s’agit de faire de l’artiste un représentant de la race des
gladiateurs, qui amusent le public de leur agonie. Un bon artiste est un
artiste tragique, quelqu’un qui endure les affres de la mort ; certes, il
ne meurt pas, sans quoi plus de lamentations, plus de larmes, plus d’émotions
dont nous nous repaissons. Mais il sait nous le faire croire.
On dira sans doute que tout cela a bien
changé : Flaubert, encore plein du souvenir du romantisme, pense sans
doute à ces artistes qui ne peuvent créer qu’en s’arrachant les tripes pour les
exposer au grand jour.
Que voulez-vous, les temps ont changé.
Les artistes d’aujourd’hui sont descendus de leur Parnasse et ils nous
expliquent qu’ils ont exactement les mêmes problèmes que nous, avec leurs fins
de mois qui commencent le 15 et les mioches dont il faut payer la crèche.
Quelle déception ! Moi, j’imaginais
les artistes regroupés en joyeux Phalanstères où chacun vivait de l’air du
temps, ou bien encore comme le peintre, pieds nus dans son atelier, pendant que
les galeristes font la queue pour lui offrir des contrats mirobolants…
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