Quiconque nous parle du fond de sa
solitude nous parle de nous.
Simone
de Beauvoir – Préface au livre de Violette Leduc « La bâtarde »
Une citation comme celle-là nous appelle
et nous retient. Elle nous murmure tant de choses que nous avons de la peine à
en débrouiller l’écheveau. Par quel bout la prendre pour en parler ?
Evitons de chercher des exemples, de
classer différentes formes de solitudes (celle du génie, celle de la victime au
fond de son cachot, celle du vieillard, celle du mourant, etc…) : car
quelle qu’elle soit, en elle opère la même révélation : elle rend manifeste notre nature la plus essentielle. Qui que nous
soyons, en nous l’être humain est ce qui se montre dans la solitude.
La solitude est une souffrance
salutaire, même quand elle est abandon, rejet, déréliction (c’est le cas de la bâtarde que fut Violette Leduc), elle
est salvatrice. Car en nous isolant des autres, elle nous recentre sur
nous-même.
Et cela non pas à la façon du
narcissisme : celui-ci est quête d’un reflet dans un œil admiratif. La
solitude nous met face à nous-mêmes et c'est là que nous sommes vraiment
nous-mêmes, sans fausse excuse, sans regard admiratif ni accusateur. Là est le
moment de vérité, là est le véritable Jugement dernier (1).
Mais comment être réellement seul ?
Je veux dire : comment cesser de créer des fantasmes où l'on imagine les autres qui
nous louent ou nous accusent (comme l’œil qui poursuit Caïn jusque dans la
tombe) ? A quel moment touchons-nous le
fond de la solitude ?
Selon Violette Leduc, on devine que
c’est dans la souffrance, lorsqu’elle nous a isolés de tout et de tous ; c'est là qu'est
le moment de vérité. Et par un retournement significatif, c’est dans cet isolement
que je trouve la vraie nature humaine, celle qui est au fond de chacun.
C’est ce que montre la Passion du Christ,
lorsque, cloué sur la croix, il est seul
dans son atroce souffrance : c’est le moment où son humanité se manifeste
pleinement – et nous pouvons nous reconnaitre en lui quand il
crie « Mon Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
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(1) Rappelons les Pensées de Pascal consacrées au divertissement.
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