Les grands hommes n'ont ni aïeuls ni ascendants ; ils composent seuls toute leur race.
La
Bruyère
La mort n'est qu'un déplacement
d'individualités. L'hérédité fait circuler les mêmes âmes à travers la suite
des générations d'une même race.
Gustave
Le Bon – Hier et Demain
Quelle est la dimension de votre
ego ? Vous considérez-vous comme un grand
homme, ou bien n’êtes-vous qu’un élément dans une série, comme le soldat
dans la troupe ou le descendant d’une lignée de tonneliers ?
Pour le savoir, il suffit de vous poser
cette question :
- Et si je n’avais pas de parents
(connus du moins, comme l’enfant de la DASS) : qu’est-ce que ça
changerait ? Et si de surcroit, je n’avais pas d’enfants à qui léguer mon
nom et une tradition, est-ce que ça me manquerait ?
Ecoutez La Bruyère : les grands hommes
n’ont pas reçu des générations antérieures ce qu’ils sont, car ils incarnent une nouveauté entièrement neuve, une invention radicale. Ajoutons que, puisqu'ils composent seuls toute leur race, personne ne pourra développer ce qu’ils nous ont apporté : n'ayant pas d'ascendant, ils n'ont pas non plus de descendants. Ils ont tout fait et tout
dit, du moins dans la ligne qu’ils ont choisi de parcourir.
Ça fait envie, n’est-ce pas ?
Quoique…
Ecoutez maintenant Le Bon : en
étant ainsi, vous perdez une forme d’immortalité, une immortalité qui n’a nul
besoin de salut, de Dieu, de Pyramide. Car vous bénéficiez de l’immortalité de
réitération, cette forme de continuité quasi biologique qui fait que ce qu’on
est nous a précédé, et nous survivra. Clairement, ça vise le corps. Si Monsieur
Cro-Magnon et madame Willendorf (1) revenaient de nos jours, à eux deux ils
pourraient faire des petits Magnon-Willendorf qui ressembleraient à s’y
méprendre à nos petits Dupont-Durand.
Alors, bien sûr ça veut dire qu’on n’est
jamais rien de plus qu’un maillon de la chaine, de même que le soldat n’est
qu’un « homme » qu’on peut remplacer quand il tombe. Mais supposez
que ce qui circule ainsi de génération en génération soit plus qu’une biologie,
que ce soit une âme, le génie de l’espèce – ou à défaut celui d’un peuple ?
Alors là, ça vaudrait le coup. A condition que les Grands hommes soient exclus
du circuit.
En effet : faites de Racine un
maillon de la chaine, et nous sommes tous des petits Racine. Faites-en un Grand
Homme, et alors, nous ne pourrons jamais l’égaler, puisqu’il compose seul toute sa race
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(1) Sur ce sujet, voir Post du 5 juin 2014
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