La crédulité est un signe
d'extraction: elle est peuple par essence. Le sceptique, l'esprit critique est
l'aristocratie de l'intelligence.
Jules et Edmond de Goncourt – Journal 24 mai 1861
Lorsque l'incrédulité devient une
foi, elle est plus bête qu'une religion.
Jules et Edmond de Goncourt – Journal 13 septembre 1862
Alors ? L’incrédulité est-elle
une bêtise, plus bête encore que la religion, ou bien est-elle la marque d’une
intelligence aristocratique ?
Notez que je force un peu le
texte : il ne s’agit pas d’opposer l’incrédulité à elle-même, mais plutôt
de dire qu’elle résulte de deux attitudes opposées : l’une étant la foi,
l’autre l’esprit critique.
1 – Que la foi s’oppose à l’esprit
critique, ça tout le monde le sait. D’ailleurs les curés ont toujours
pourfendus les « esprits forts », ceux qui, comme saint Thomas, n’ont
pas voulu croire simplement parce qu’on leur disait d’y croire. Le royaume ces
cieux appartenait au contraire à celui qui disait « Je crois parce que
c’est absurde », et les flammes de l’enfer attendaient le rationaliste
(philosophe en particulier).
2 – On sait également que
l’incrédulité peut être une attitude systématique accompagnée d’une imbécile
ignorance. Ce qui est plus intéressant est d’ajouter que c’est cela précisément
qui est la marque de la foi – du moins de celle que nous décrivent les
Goncourt : elle accompagne aussi bien la croyance que l’incroyance,
puisqu’elle est le refus de comprendre l’évidence. On n’a qu’à aller faire un
tour sur les sites des créationnistes pour s’en faire une idée.
Cette foi imbécile a pour propriété
d’abolir l’esprit critique, et elle est à l’œuvre dans le mécanisme du
sectarisme qui soumet le disciple à son gourou.
3 – Enfin, ajoutons que cette
incrédulité « instruite » accompagne les deux moments de la recherche
scientifique : le premier qui refuse de croire à l’évidence tant qu’on n’a
pas démontré qu’elle reposait sur une preuve expérimentale répétable. Le second
qui impose la reconnaissance de cette vérité ainsi vérifiée tant qu’on n’a pas
démontré le contraire.
Et dans les cas où il est impossible
de démontrer qu’on possède la vérité ? Eh bien il faut soutenir cette
affirmation qu’on va tenir pour vraie comme si elle était démontrée : tel
est le mécanisme de la foi, en effet. Mais tout le problème est de savoir s’il
n’y a pas des situations démontrant que cette foi se trompe.
Peut-on encore croire à Dieu après
Auschwitz ? demandait Hans Jonas. (1)
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(1) L’idée de Jonas est de chercher
quel est donc ce Dieu qui a laissé exister les hommes responsables de cette
abomination. Car, après tout, les hommes sont dans la création et celle-ci est
œuvre de Dieu. Lisez ici.
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