L'affirmation et l'opiniâtreté [= obstination] sont signes exprès [= manifestes] de bêtises.
Montaigne
Après les vérités « irréfragables » d’hier, voici les affirmations opiniâtres,
venues de ceux qui refusent avec obstination de reconnaitre leur erreur. Ne
s’agit-il pas de la même attitude ? Car, n’est-ce pas la même chose que le
refus de la preuve ?
Bref : y a-t-il une différence entre le juge qui
vous dit :
- Monsieur, cet enfant est votre fils parce que c’est
votre femme qui l’a mis au monde.
- Et celui qui affirme que les étrangers apportent des
maladies contagieuses et pillent les ressources de la Sécurité sociale ?
Dans les deux cas, les données réelles et probantes sont
accessibles et elles mettraient fin aux préjugés et aux disputes.
On peut rencontrer parfois l’astuce de certains de ces
assèneurs de vérité qui retournent l’accusation de cécité contre leur
contestateur. Telle est la « théorie du complot » qui consiste à
dire : « C’est vous qui refusez l’évidence parce que vous êtes intoxiqué
par la presse (pardon : les Médias) qui est aux mains des Juifs (ou du
capitalisme, ou de la CIA) »
Signalons le cas
très étonnant des attentats du 11 septembre dénoncé parfois comme un montage opéré
par la CIA pour obtenir je-ne-sais plus quoi. Au fond, l’idée est que la
contestation n’est rien d’autre que la preuve de la vérité qu’on avance.
« Vous croyez que je suis fou ? C’est la preuve que vous êtes
manipulé. »
C’est bien sûr ce que dit Montaigne qui constate que pour
énoncer une vérité il faut accepter de la mettre en balance avec l’affirmation
contraire. Et il ajoute : celui qui se trompe et qui persiste dans son
erreur, qui refuse d’être détrompé n’est pas seulement ridicule : il
manifeste aussi sa bêtise.
L’opiniâtreté n’est donc pas seulement dommageable pour
la vérité : elle est aussi un trait de caractère, parce qu’elle révèle
l’orgueil extrême qui consiste à avoir la certitude que puisqu’on pense ceci ou
cela, alors c’est vrai.
Là où il faudrait examiner la preuve, on trouve
l’affirmation de sa propre certitude : c’est vrai parce que je le pense.
Et d’ailleurs, vous êtes immédiatement invité à penser la même chose :
« Vous êtes bien d’accord avec moi, M’sieur ? »
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