Il n'est rien qui soit véritablement à nous que nos erreurs.
Victor Brochard - De l'erreur
Si l’erreur est notre seule propriété, c’est qu’elle exprime notre être véritable, et qu’à la question « qui suis-je ? » il faut répondre : « Je suis la somme de mes erreurs. »
Il y a de quoi écrire des volumes là dessus. Moi qui m’en tiens à quelques remarques (quelques « starters » de réflexion, si possible), je dirai simplement que la phrase de V. Brochard (1858-1907. Spécialiste des sceptiques grecs) affirme que l’erreur est une création, et que donc ce n’est pas un pur néant.
C’est une création parce qu’elle ne peut nous exprimer qu’à condition d’être une œuvre individuelle. La vérité n’est pas une œuvre et elle n’est surtout pas individuelle. Soit le théorème de Pythagore. Puis-je imaginer que c’est une création de Pythagore ? Si c’était le cas, la vérité contenue dans ce théorème aurait commencé d’être au moment même où Pythagore l’aurait énoncée pour la première fois. La théorie de la réminiscence de Platon veut dire ça : les vérités sont éternelles on ne peut croire qu’elle aient commencé avec nous.
Soit. Mais on pourrait croire aussi que l’erreur nous appartient parce qu’elle exprime notre imperfection. C’est Descartes qui le dit : Dieu a, dans Sa grande bonté créé les vérités, et les erreurs ne sont que l’effet de l’imperfection de la créature. L’erreur est humaine.
Oui, mais si l’erreur - en tant qu’imperfection - est un néant, elle n’est pas une œuvre, et donc elle n’est pas notre bien le plus authentique ; elle n’est qu’une conséquence de notre finitude, tout comme l’est notre mortalité. Reste donc à dire que l’erreur est invention. Comme la vérité ? soit. Mais la vérité ne nous appartient pas en propre parce qu’elle doit pouvoir se partager, alors que l’erreur est cette invention que personne ne pourra partager avec moi.
Si donc l’erreur est quelque chose, qu’est-elle ? L’erreur ne produit pas de connaissance ; certes. Mais elle produit du sens. A côté de la vérité, il y a encore de la place pour du sens. Restons avec Descartes : lorsqu’il dit par exemple que les poumons ont pour fonction de refroidir le sang échauffé par le cœur, c’est faux bien sûr ; mais ça a du sens par rapport à sa doctrine mécaniste.
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