Où est allé Dieu? s'écria [l’insensé] je vais vous le dire. Nous l'avons tué.., vous et moi ! C'est nous, nous tous, qui sommes ses assassins.
Nietzsche - La gai savoir, § 125
C’est un fou qui parle ; fou, déjà parce qu’il cherche Dieu en plein jour avec une lanterne allumée, comme Diogène cherchant l’homme ; et c’est un fou parce que personne ne le croit. (1)
Et en effet, comment savons-nous que Dieu est mort ? A quel signe, à quelle lacune reconnaissons-nous que Dieu n’est plus ? Ceux qui ne croient pas en Dieu ricanent : « Dieu n’a jamais été ! Comment pourrait-il disparaître ? » C’est qu’ils ignorent que la foi est une réalité qui, même si elle n’est pas une grâce de Dieu, même si elle n’est qu’une invention humaine, produit du sens et une richesse humaine bien spécifique.
Je trouve que Sartre a bien résumé la situation : « Dieu est mort, n'entendons pas par là qu'il n'existe pas, ni même qu'il n'existe plus... Il nous parlait et il se tait... ». La mort, c’est l’absence, la lacune, le vide qui se creuse là où quelque chose existait. L’absence de Dieu, c’est son silence. Car que fait Dieu ? Il nous parle. Il est dans notre cœur comme ce qui y produit du sens, de l’émotion : voilà ce que dit le dévot. Lorsqu’il n’y a plus d’émotion, plus de pensées religieuses, alors Dieu n’est plus ; entendez qu’il n’est plus que l’objet abstrait d’un rite qui a perdu son sens.
Mais l’Insensé de Nietzsche va plus loin : « C'est nous, nous tous, qui sommes ses assassins». Autrement dit, si Dieu ne nous parle plus, c’est parce que nous ne l’écoutons plus. C’est aussi simple que ça. Alors on dira que c’est un dialogue avec nous-même que nous avons nommé « rencontre avec Dieu » (voir référence à Platon du 2 septembre). Mais ce qui compte ce n’est pas que nous ayons inventé Dieu. C’est que notre invention soit transcendante à nous-mêmes que nous y reconnaissions quelque chose qui nous dépasse infiniment.
La mort de Dieu, c’est au moins le repli sur l’immanence.
Repli provisoire dira Nietzsche : en attendant le surhomme !
(1) Nous laisserons de côté l’allusion à l’Insensé de Saint Anselme..
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