On ne peut pas se permettre de ne pas vivre dans le présent. Il est béni entre tous les mortels, l’homme qui ne perd aucun instant de la vie qui s’écoule à se souvenir du passé.
Henry D. Thoreau – L’esclavage au Massachusetts (1854 - in Essais p. 214) (1)
Ah… L’Amérique, nous l’avons tant aimée… De Kerouac à Bob Dylan, de Martin Luther King à Angela Davis… Jusqu’à ce que viennent Donald Reagan et Georges W.
Mais en Amérique, la fibre réfractaire et dissidente n’est pas prête de s’éteindre parce qu’elle vient de loin. Ainsi, Henry Thoreau, connu des spécialistes seulement, pour son Essai sur la Désobéissance civile, peut être considéré comme un fondateur de la morale respectueuse de la nature, proche de l’écologie contemporaine. (2)
Et en plus, c’est un authentique épicurien.
On ne peut pas se permettre de ne pas vivre dans le présent, parce que c’est là que se trouvent toutes les joies de l’existence. Encore faut-il savoir vivre ce présent comme source de joie. L’exemple pris par Thoreau, c’est la joie d’entendre le chant du coq au lever du jour. Mais ce serait aussi bien arpenter la nature (4 heures de marche par jour : tel est son régime), à condition de ne pas être sur les routes tracées par les hommes, mais dans la vie sauvage.
Car le bonheur est là, dans le sentiment vécu de cette vie naturelle, qui bat en nous mais que nous ne ressentons qu’à condition qu’elle nous vienne amplifiée par le monde sauvage.
Et c’est pour cela que les souvenirs sont une perte de temps : ils nous détournent de l’attention au vécu présent. Et ils nous ne nous donnent que des fantômes, des ombres de joies, des petits bouts d’émotions, toutes racornies par le temps.
Si le passé est à jeter par dessus bord, c’est parce que notre présent est toujours riche de plaisirs accessibles.
(1) Cette conférence intervient pour soutenir le mouvement abolitionniste de l’esclavage, au moment où étaient promulguées deux lois fédérales :
- dont l’une imposait à tout citoyen américain – y compris dans les Etats du Nord – de participer à la chasse aux esclaves fugitifs,
- et l’autre stipulait que les nouveaux Etats crées dans l’ouest pourraient sur un simple vote de leurs citoyens devenir des Etats esclavagistes.
(2) J’allais oublier le Cercle des poètes disparus… Mille excuses !
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