Wednesday, February 04, 2009

Citation du 5 février 2009

... la recherche des phrases [expressions] nouvelles et des mots peu connus vient d'une ambition puérile et pédantesque. Puissé-je ne me servir que de ceux qui servent aux Halles à Paris!

Montaigne – Essais, I, 26 (De l’institution des enfants)

Voilà qui va réconforter ceux qui, comme moi, s’énervent de ne pas comprendre les mots utilisés par mon interlocuteur.

La pédanterie et la prétention de certains pseudo savants est insupportable : comme Nietzsche le disait déjà à son époque : ils ont troublé leur eau pour qu’elle paraisse profonde.

Mais si cette obscurité des néologismes et des mots savants est souvent insupportable, c’est qu’elle est sous-tendue par la volonté de dominer et d’humilier. Que de fois ai-je observé, dans une discussion un peu animée, que celui qui commençait à avoir le dessous se lançait dans des formules alambiquées et pédantes, pleines d’imparfait du subjonctif ?

- Toutefois c’est peut-être quand même une surprise de trouver cette remarque sous la plume de Montaigne. Car, même si je suis bien peu savant en histoire de l’ancien français, il me semble qu’il a beaucoup fait pour renouveler le vocabulaire du français de son époque. Quand aux expressions nouvelles, alors tout de même, admettons que l’un des charmes qui nous fait lire Montaigne, avant même d’avoir goûté sa sagesse subtile, c’est le sel et la verdeur de son écriture.

Mais on comprend bien ce qu’il veut dire : pourquoi écrivons nous si ce n’est pour être compris ? S’agit-il, comme les Précieux que brocarde Molière dans les Précieuses ridicules, de produire des expressions fumeuses pour rassembler toute une coterie d’admirateurs qui s’en iront répétant ces phrases creuses qu’ils ne comprennent pas eux-mêmes ? (1)

Alors bien sûr, il faut sans doute renoncer à la simplicité et au parler des Halles de Paris pour aborder certaines difficultés du savoir. Mais j’aimerais qu’on laisse aux poètes les obscurités du langage lorsqu’on prétend apporter la lumière la vérité.


(1) Que les admirateurs de Lacan me pardonnent, mais je me révolte lorsque je lis ses Ecrits, devant les tours et détours de son écriture, et même s’il se place sous l’autorité de Mallarmé, je ressens cette préciosité comme ridicule.

No comments: