Le temps qui change tout, change aussi nos humeurs.
Chaque Age a ses plaisirs, son esprit, et ses moeurs.
Boileau – Art Poétique (Chant III v.373-374)
Il y a des gens pour vous dire : « La vie commence à 50 ans ! » et de vous expliquer l’épanouissement, le charme, le rayonnement des hommes et des femmes de cet âge. Et puis il y a ceux qui sentencieusement vous disent : « Chaque âge a ses plaisirs qu’il faut savoir goûter à propos. »
Alors prenez les au mot : allons-y. Quel épanouissement à 50 ans ? Quel avantage par rapport à 20 ou 30 ans ? Et les plaisirs ?
Demandez donc à votre grand père qu’on supposera avoir entre 75 et 85 ans : Dis grand père de quels plaisirs jouis-tu que tu n’avais pas étant plus jeune ?
--> Comme nous avons évoqué cette question dans un Post précédent, nous laisserons de côté l’énumération mélancolique des plaisirs envolés et la recherche incertaine des plaisirs découverts, pour nous concentrer sur une affirmation qui est posée indirectement par Boileau.
Chaque âge – et nous entendrons chaque période de la vie ; enfance, adolescence age adulte, vieillesse – avec ses plaisirs, certes, mais aussi avec ses qualités et ses défauts, disparaît dans l’âge suivant, lequel est en même temps le surgissement de quelque personnalité nouvelle. Ainsi, l’être humain est-il comme un oignon dont les écailles peuvent être enlevées une à une, produisant à chaque fois un bulbe nouveau.
Inutile de se demander dans quel sens va le temps de l’existence (on a rêvé son inversion avec le récent film racontant l’histoire de Benjamin Button (1)). Non. Demandons-nous plutôt s’il est vrai que l’enfant périt dans l’adolescent, et celui-ci dans l’adulte. Quant à savoir de qui se passe qui on devient vieux, et si on cesse alors d’être un adulte, demandez à votre grand père.
(1) Pour ceux que ça intéresse, sachez que les scénaristes de ce film ne se sont pas cassé la tête : ils ont piqué à Platon le mythe du Politique. Platon y suppose que c’est la rotation de la sphère céleste qui produit l’écoulement du temps. Lorsque celle-ci s’inversa, les vieillards redevinrent des enfants. Voici le texte :
« Dans cette circonstance (= inversion de la révolution céleste), on vit d’abord l’âge des divers êtres vivants s’arrêter soudain : tout ce qui était mortel cessa de s’avancer vers la vieillesse, et par une marche contraire devint en quelque manière plus délicat et plus jeune. Les cheveux blancs des vieillards noircissaient ; les joues de ceux qui avaient de la barbe, recouvrant leur poli, rendaient à chacun sa jeunesse passée ; les membres des jeunes gens devenant plus tendres et plus petits de jour en jour et de nuit en nuit, reprenaient la forme d’un nouveau-né, et le corps et l’âme se métamorphosaient ensemble. Au terme de ce progrès, tout s’évanouissait, et rentrait dans le néant. Quant à ceux qui avaient péri violemment dans le cataclysme, leurs corps passaient par les mêmes transformations avec une rapidité qui ne permettait de rien distinguer, et disparaissaient complètement en peu de jours » (Platon – Le politique 270 d-e)
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