La religion c'est ce qui relie et rien n'est plus religieux que la haine: elle rassemble les hommes en foule sous la puissance d'une idée ou d'un nom quand l'amour les délivre un à un par la faiblesse d'un visage ou d'une voix.
Christian Bobin – Le Très-Bas
Après l’éloge l’amour (des Valentins), voici celui de la haine…
Notez combien il est rare qu’on dise quelque chose de positif sur la haine. Déjà on n’en parle le plus souvent que relié à l’amour, comme si c’était l’endroit et l’envers d’une même feuille de papier : c’est une façon d’en parler sans y penser, comme si l’amour sanctifiait tout. Après tout, la haine serait elle autre chose que le déception de l’amour ?
Et puis, la haine, c’est un vilain sentiment, comment en faire l’éloge ?
Et voilà que nous vient cette pensée : la haine relie les hommes beaucoup plus fortement que l’amour, qui, quand il est véritable, les isole (par couple).
Traduction : si vous voulez la cohésion nationale, cherchez là dans la haine de l’étranger – ou du traître – plutôt que dans l’amour du concitoyen.
Notre auteur nous parle ici de religion. Je ne vais pas me faire l’échos de anti-religieux pour les quels le message d’amour du christianisme a été accompagné de beaucoup de morts par les atrocités des guerres de religion et de la conversion des païens.
Non, je me bornerai à reprendre cette idée, largement répandue depuis Freud – au moins – à savoir que les hommes ne s’unissent bien que dans une haine commune. Pas de nationalisme sans un ennemi à rejeter au-delà de nos frontières. Que le ministère de l’identité nationale soit en même temps celui de l’immigration – entendons : celui des expulsions – me semble être une évidence : comment serions nous identiques si ce n’était contre ceux qui sont différents ?
Big Brother organise dans tout le pays chaque jour le quart d’heure de la haine. Dans ce monde imaginé en 1948, Orwell place les ouvriers, les fonctionnaires, le peuple partout où il se trouve devant des écrans de télévision où apparaît le visage de l’ennemi, du traître qu’on va couvrir d’injures.
Que dans le roman cet ennemi soit un juif est significatif, mais ne nous y trompons pas. Nous qui sommes si clean humainement, imaginez juste un instant que nous soyons supporter du PSG et qu’on nous montre un joueur de l’OM (ou l’inverse) ?
Tous unis contre : voilà la vérité. Et pourquoi ? Parce que l’union sanctifie la haine.
Je l'ai déjà dit? Hé bien je le redis.
1 comment:
Extrêmement vrai, et c'est d'ailleurs la stratégie qu'a utilisé le gouvernement Chinois pour garder une cohésion dans son pays: la haine des japonnais. Et ca marche!
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