Les femmes sont plus chastes des oreilles que de tout le reste du corps.
Molière – La Critique de l'école des femmes
[Le fantôme] … ton oncle se glissa près de moi avec une fiole pleine du jus maudit de la jusquiame, et m’en versa dans le creux de l’oreille la liqueur lépreuse. L’effet en est funeste pour le sang de l’homme: rapide comme le vif-argent, elle s’élance à travers les portes et les allées naturelles du corps, et, par son action énergique, fait figer et cailler, comme une goutte d’acide fait du lait, le sang le plus limpide et le plus pur.
Shakespeare – Hamlet Acte I, scène 5 (1)
Ah… L’oreille ! L’oreille si souvent oubliée dans la symbolique humaine, au profit des yeux, de la bouche… Le nez même est mieux servi qu’elle (ainsi qu’en témoigne notre propre recueil de Citations).
Et pourtant, l’oreille est symboliquement – comme ici – une porte du corps sinon de l’âme.
Exemple :
- Molière fait de l’oreille des femmes un organe dont la chasteté est comparée à la chasteté d’autres organes de leur corps. Pourquoi sont elles chastes ? Parce que les discours qu’on y fait entendre peuvent les troubler ? Bien sûr : mais c’est une façon de dire que symboliquement, c’est par l’oreille qu’on pourrait les pénétrer aussi.
- Shakespeare : le fantôme d’Hamlet (le père) révèle qu’il a été assassiné par du poison versé dans son oreille, poison qui se mêle à son sang aussi rapidement que s’il l’avait bu. L’oreille est la porte du corps, son allée naturelle, et par elle on peut le tuer.
- De même dans la corrida ; le torero est récompensé de sa bravoure en recevant les oreilles et la queue du taureau. Croit-on que c’est seulement parce que ça se découpe facilement ?
--> De nos jours, on ne pense plus à cette dimension très spéciale de la symbolique de l’oreille, et pourtant on reste très attentif à sa valeur. Dans la physiologie imaginaire du pouvoir incarné par les chefs d’Etat, il est essentiel d’être écouté de lui – d’avoir l’oreille du Président.
Réellement, l’injustice est flagrante : l’oreille est bien plus qu’un organe extérieur et facultatif, Elle est la voie d’accès à l’être au point que certains prétendent voir dans les grandes oreilles une faculté d’attention aux autres.
Ne dit-on pas d’ailleurs que les oreilles grandissent tout à long de la vie ?
(1) Il s’agit de la traduction de Victor Hugo, disponible sur le web ici
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