Le temps, c'est un peu comme le vent. Le vent, on ne le voit pas : on voit les branches qu'il remue, la poussière qu'il soulève. Mais le vent lui-même, personne ne l'a vu.
Jean-Claude Carrière – Entretiens sur la fin des temps
Qu’est-ce qu’une abstraction ? Strictement parlant, c’est ce qui est dégagé (extrait-abstrait) de la réalité. Tous concept est une abstraction, que l’on parle de l’espace ou de l’amitié. Du temps ou du vent.
Mais l’erreur à ne pas commettre est de croire que réciproquement tout ce qui ne se voit pas est abstrait.
Alors certes, le vent ne se voit pas mais il se sent sur la peau, il s’entend par le bruit qu’il fait. Mais enfin là n’est pas l’essentiel : comme le temps avec le quel il est ici comparé, le vent est un agent invisible, une sorte de main noire, qui transforme les choses sans qu’on puisse percevoir son action.
Faut-il renoncer à l’abstraction dans ces cas, dans la mesure où ces réalités échappent à notre perception ? Ne pourrait-on imaginer le concept de vent, et celui de temps ? C’est sans doute possible, mais reconnaissons que l’opération d’abstraction est d’autant plus difficile.
Prenez l’amitié, dont nous parlions il y a un instant. C’est un concept et comme tel il est abstrait. Mais sa définition doit s’appliquer strictement à tout ce qui nous semble être une situation d’amitié. Et donc, nous avons pu l’en abstraire (appelons ça une induction) : l’amitié, c’est ce que je ressens en présence de Pierre-Paul-Jacques.
Maintenant, tentez de conceptualiser le temps. Est-il l’horloge ? Est-il la pomme qui se ride dans le compotier – ou plus optimiste, le bourgeon qui fleurit ? Est-il l’impatience qui agite mon âme dans l’attente de l’aimée qui va venir ? Est-il la variable qui permet de mesurer la vitesse du mobile ?
Vous comprenez maintenant : comme Jean-Claude Carrière, mieux vaut définir le temps en le comparant à ce qui ne se voit pas. Le temps est à penser négativement – comme Dieu.
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