Il y a plus affaire à interpréter les interprétations qu'à interpréter les choses, et plus de livres sur les livres que sur autre sujet : nous ne faisons que nous entregloser. (1)
Montaigne – Essais, livre III chap.XIII (2)
Que lisons-nous ? Et pourquoi lisons-nous ?
Montaigne répond : nous lisons pour avoir quelque chose à dire sur les livres que nous avons lus. Et parmi ceux qui ont quelque chose à dire sur les livres qu’ils ont lus, il y en a font des livres pour expliquer ça à leurs lecteurs…
D’ailleurs Montaigne reconnaît qu’il en fait autant puisque les Essais sont initialement des commentaires de citations dont fourmille son texte ; il s’en excuse en disant que ce but premier est devenu une méditation sur sa vie, et que ses lectures en font simplement partie.
On comprend que Montaigne nous suggère qu’il y a mieux à faire que de lire des commentaires et d’en faire nous-mêmes. Qu’il y a à penser de neuf, à écrire si l’on veut écrire, mais en créant quelque chose.
Et qu’en est-il des livres qui se publient aujourd’hui ?
Ils ne méritent sûrement pas le reproche fait par Montaigne aux livres de son temps : à part les ouvrages universitaires, je n’en connais pas qui « s’entreglosent ». Mais ça ne veut surtout pas dire qu’ils inventent quelque chose qui n’aurait pas été dit. Beaucoup d’auteurs se contentent de réécrire les œuvres de leurs confrères, qui eux-mêmes sont allés les piocher dans des œuvres passées et oubliées.
De nos jours on est moins occupé de faire des livres sur les livres que des livres recopiés d’autres livres.
Les auteurs de best-sellers ? Tous des nègres !
(1) Une glose est un bref commentaire destiné à éclairer un texte.
(2) À lire ici. Le passage cité suit la citation de La Boétie, donnée en milieu de page (2ème citation après celle de Manilius donnée tout au début)
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