J'appelle culture la coïncidence entre une langue et un art de prier
Propos de Michel Rocard recueillis par Baptiste Legrand pour le Nouvelobs.com (le 2 novembre 2009)
Ça c’est vraiment ce que Rocard appelle le parler vrai ! Et en plus c’est dans une interview intitulée : « L’identité nationale est un débat imbécile ». (A lire ici)
Débat imbécile, parce que l’identité nationale est suffisamment évidente pour ne pas avoir besoin d’un débat pour être connue. La preuve : qui dit identité nationale dit culture, et la culture se définit tout simplement comme la coïncidence entre une langue et un art de prier.
Et vous, vous auriez dit la même chose ? Peut-être pas, hein ?
Moi, je ne sais pas. En tout cas j’ai dit ici même que être français, c’était parler français. Mais faut-il y ajouter l’art de prier ? Et d’abord, qu’est-ce que c’est que l’art de prier ? Faut-il donc posséder un art pour prier ?
Je comprends que c’est peut-être un style, une manière particulière en relation avec un dogme (on a parlé ici avec Lévi-Strauss des règles de la prière musulmane). Ce qui reviendrait à dire – à peu près – que la culture se définit par un rapport spécifique à la divinité.
Alors là, permettez-moi de vous dire qu’une telle affirmation fait débat ! Parce que le divin n’est pas forcément reconnu comme condition et horizon de la culture. Certes, on admet souvent qu’une transcendance – quelque chose qui nous fait désirer ce qui manque, ce dont notre monde porte la marque en creux – est nécessaire pour que la pensée humaine puisse prendre son vol (1), et donc pour que la culture ait une substance véritable. Mais faudrait-il donc dire aussi que la transcendance serait toujours religieuse ?
Je ne peux que renvoyer au débat entre Marcel Gauchet et Luc Ferry sur la transcendance horizontale (2): on y voit que ce débat-là n’est pas près d’être tranché.
(1) Certains, comme Régis Debray, ajouteraient que la fraternité humaine la présuppose
(2) Luc Ferry et Marcel Gauchet - Le religieux après la religion - Livre de Poche, évoqué le 26 septembre 2008
No comments:
Post a Comment