C’est par l’Etat (…) que le gouvernement est autorisé à contraindre les riches à fournir les moyens de se conserver à ceux qui ne le peuvent point. (…) cela ne saurait se faire que de manière obligatoire par des charges publiques et non pas simplement grâce à des contributions volontaires.
Kant – Métaphysique des mœurs, première partie : Doctrine du droit. II, le droit public, première section, remarque, Vrin, pp.208 – 209.
… [la compassion charitable] a une fausse opinion lorsqu’elle veut s’assurer de ce que cette aide de la misère est seulement prise en charge par la particularité du cœur et (…) lorsqu’elle se sent lésée et affaiblie par les ordres et les dispositions obligatoires.
Hegel, Principes de la philosophie du droit, § 242 Rem – Trad Veilliard-Baron (G.F.) p. 288-289
La charité mon bon seigneur… Voici le mois de décembre, le mois de la charité, celui où les quêtes de toute sorte fleurissent, du Téléthon au Sidaction, de la faim dans le monde à la collecte des Restos du Cœur.
Même si on laisse de côté le fait que la charité ne signifie pour la plupart d’entre nous plus rien (et surtout pas la compassion évoquée par Hegel), qu’en voyant le souffrance des autres on ne fait que se voir soi-même dans la misère, et donc que c’est soi-même qu’on secourt – tout de même on voit bien que la question reste de savoir si l’Etat ne devrait pas assumer à lui seul la charge de soulager la misère.
C’est ce que pensait Kant : un de ses amis raconte qu’il chassait à coup de canne le mendiant venu le solliciter.
Quant à Hegel, on voit que pour lui les dispositions du cœur n’ont aucune valeur pour secourir les pauvres, et que seule la détermination rationnelle (1) de l’Etat doit s’en charger. La charité doit se limiter à allumer des cierges et à prier pour les pauvres. Mais qu’elle ne prétende pas remplacer par l’aumône la distribution par la puissance publique des ressources nécessaires.
De nos jours, la même attitude se retrouve chez ceux qui réclament que l’Etat prenne en charge les pauvres et qu’il concentre les ressources de l’impôt sur les secours à leur apporter plutôt que sur les sous-marins nucléaires.
Mais il faut bien remarquer que de nos jours pas un pays riche – et surtout pas le plus riche de tous – n’a réussi à éradiquer la misère. On croyait encore récemment qu’il valait mieux être pauvre aux USA qu’au Bengladesh. On en est moins sûr maintenant que la Crise est passée par là.
Là où l’Etat échoue il ne reste plus que l’homme – l’individu – pour reprendre le flambeau.
(1) C'est-à-dire que l’Etat peut organiser les secours de façon rationnelle, et non en fonction de l’émotion soulevée par le spectacle d’une catastrophe comme par exemple avec le tsunami.
No comments:
Post a Comment