Friday, June 11, 2010

Citation du 12 juin 2010

La censure intérieure de l'homme est impitoyable : nous ne connaissons même pas les pensées que nous ne voulons pas enfanter.

Stanislaw Jerzy Lec – Nouvelles pensées échevelées

On l’a vu récemment : la pire des censures est celle qui ne se remarque pas. C’est bien sûr le cas avec la censure psychique, qui ne se manifeste que par des micro-anomalies dans le raccord entre des souvenirs ou dans les récits de rêves. On parlerait d’auto-censure s’il s’agissait d’un fait non conflictuel. Seulement voilà : ce n’est pas parce que la censure est indolore qu’elle ne provoque pas des dégâts.

Car le pire n’est peut-être pas dans l’infanticide des pensées suggéré par notre auteur. Après tout, les poètes surréalistes ont montré qu’il y avait des moyens pour contourner la censure (écriture automatique, rêve éveillé, etc.).

Ce que Freud a montré – et ce sont là les premiers acquis de la psychanalyse, ceux qui ont servi à révéler l’existence des conflits inconscients – c’est que nous sommes en permanence travaillés par les interdits qui refoulent hors du champ de notre conscience des représentations et des désirs.

Ce qui veut dire qu’à chaque instant – oui, même moi, même à cet instant où mes doigts agiles courent sur le clavier pour essayer de suivre les pensées ailées qui s’échappent de mon esprit fécond – nous sommes entrain également de dépenser une énergie considérable pour refouler dans l’inconscient les désirs censurés.

On comprend bien que l’énergie psychique ainsi dépensée à surveiller les frontières de notre conscience est prélevée sur les ressources de l’esprit et va donc lui manquer pour la création, ou tout simplement pour la vie quotidienne.

Faudrait-il (à supposer qu’on le puisse) censurer la censure et refouler le refoulement ? Pourquoi pas – mais à quel prix ?

Car ce que ne dit pas notre auteur, c’est ce qu’il se passerait si la censure n’existait pas. Qu’est-ce que mon cerveau pourrait faire de toute cette énergie, et surtout de toutes ces représentations dont on suppose qu’elles ne sont pas compatibles avec l’éducation que j’ai reçue ?

No comments: