Un peintre devrait toujours songer à peindre pour quelqu’un au quel manquerait la faculté du langage articulé… N’oublions point qu’une très belle chose nous rend muet d’admiration.
Paul Valéry – p.1228
Peindre pour les muets ? Pourquoi pas diront certains, il suffit d’entendre les âneries qu’on dit devant les tableaux d’une exposition pour souhaiter que ça s’arrête…
On pourrait d’ailleurs dire aussi bien qu’il faut peindre pour les sourds.
Mais Valéry va un peu plus loin : un tableau ne doit pas avoir besoin du discours pour exister. Ce qu’on en dit ne doit pas être la cause de l’émotion qu’il suscite en nous mais bien sa conséquence. Et d’ailleurs, en dire quelque chose est parfaitement facultatif : les muets (d’admiration) sont tout aussi sensibles à la beauté de l’œuvre d’art.
Voici une opinion qui me paraît très certaine : supposé que tous les commentaires des critiques d’art, tous les comptes-rendus des ventes chez Sotheby’s soient inaccessibles, que resterait-il de l’art contemporain ? Combien d’œuvres exposées dans les enceintes des musées ou des galeries d’art mériteraient-elles un regard si on ne tenait compte que de l’émotion qu’elles suscitent ?
J’entends bien que l’émotion esthétique n’est pas complètement spontanée, et que l’éd
ucation du regard est une nécessité. Mais quand même ! Combien d’œuvres n’ont d’autre valeurs que décorative, et je ne citerai – quitte à me faire étriper ici même – l’exemple de Miro.
J’en reste sans voix.
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