…un général anglais, Colville selon les uns, Maitland selon les autres, leur cria : Braves français, rendez-vous ! Cambronne répondit : Merde !
Victor Hugo – Les misérables – Cosette, ch. 14
Audace 3
Oui, il en fallut de l’audace à Cambronne pour répondre ainsi aux anglais et il en a fallu aussi à Victor Hugo pour écrire ce mot – le mot de Cambronne, périphrase employée justement pour éviter de se salir la bouche en disant « merde » !
On nous dit que les académiciens, devant ce passage du grand Hugo se sont voilés la face et détourné les yeux. Le scandale fut à nul autre pareil, mais il faut dire que Hugo avait enfoncé le clou avec énergie : « Dire ce mot, et mourir ensuite. Quoi de plus grand ! car c’est mourir que de le vouloir, et ce n’est pas la faute de cet homme, si, mitraillé, il a survécu. (…) L’homme qui a gagné la bataille de Waterloo, c’est Cambronne. Foudroyer d’un tel mot le tonnerre qui vous tue, c’est vaincre. » (Idem – Ch. 15)
Vous avez bien lu : L’homme qui a gagné la bataille de Waterloo, c’est Cambronne, et s’il l’a gagnée, c’est en disant Merde !
Il y a de quoi pour un académicien avaler son brevet d’immortalité…
Reste à remarquer que notre question d’hier (l’audace peut-elle se trouver dans les mots et non dans l’action) reçoit ici un élément de réponse. Car, lorsque les mots ne sont pas en balance avec l’action – autrement dit quand l’action est impossible, ce qui est le cas pour Cambronne, ou bien hors propos comme pour l’écrivain – alors il peut y avoir des mots inconsistants, mais il peut aussi y en avoir qui soient audacieux.
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