Impossibilité des miracles :
« Pourquoi Dieu ferait-il un miracle ? Pour venir à bout d'un certain dessein sur quelques êtres vivants ! Il dirait donc : "Je n'ai pu parvenir par la fabrique de l'univers, par mes décrets divins, par mes lois éternelles, à remplir un certain dessein ; je vais changer mes éternelles idées, mes lois immuables, pour tâcher d'exécuter ce que je n'ai pu faire par elles." Ce serait un aveu de sa faiblesse, et non de sa puissance. Ce serait, ce semble, dans lui la plus inconcevable contradiction. »
Voltaire – Dictionnaire philosophique
S’il fallait montrer combien Voltaire est proche de Leibniz – et pas seulement l’ennemi irréductible de son optimiste qu’il brocarde à longueur de pages dans Candide – ce petit texte y suffirait sans doute. Car, tout comme notre philosophe de l’harmonie préétablie, Voltaire ne voit dans le miracle que ce qui déroge à l’ordre des lois de l’univers.
Tentons modestement une petite généalogie des miracles :
1 – J’imagine que les miracles ont été d’abord, dans l’Ancien Testament, une manifestation de la bienveillance divine à l’égard du peuple élu (exemple : la manne céleste).
2 – Puis avec le Nouveau Testament, les miracles ont eu un rôle heuristique : prouver la puissance du Christ. La résurrection de Lazare, la transformation de l’eau en vin, etc.
3 – En suite, disons au Moyen-Âge, les miracles ont été l’œuvre des saints, comme si Dieu était devenu trop lointain pour intervenir personnellement dans la vie des hommes.
Mais enfin, d’où qu’il provienne, le miracle est là encore destiné à soulager la misère humaine.
4 – Et puis, tout à coup, voilà que le miracle est regardé avec méfiance comme devant rendre des comptes à l’économie du monde, comme ce qui constitue un écart par rapport à ses lois. La volonté de Dieu joue désormais contre la création – telle qu’il l’a voulue. D’où la méfiance de Voltaire : le miracle est la plus inconcevable contradiction.
5 – Mais en fin on n’a pas attendu Voltaire ni Leibniz pour s’en rendre compte et pour tenter de surmonter la contradiction. Descartes faisait remarquer que Dieu est toute-puissance, et que la nécessité des lois de la création a elle aussi été voulue. Si Dieu avait voulu qu’existât un nombre entier naturel entre 3 et 4, il l’aurait fait.
Aujourd’hui, cette conception du miracle est complètement désacralisée : même les physiciens sont capable d’en faire en multipliant les dimensions de l’espace jusqu’à plus de 20 (théorie de cordes)
Obtenir un espace à 20 dimensions… Le beau miracle ! Laissez-moi regretter l’époque où les saints pouvaient – comme saint Dominique – obtenir des anges qu’ils apportent du pain quand les bons moines en manquaient.
Allez, une citation de Sœur Sourire pour finir : Chez Dominique et ses frères, / Le pain s'en vint à manquer / Et deux anges se présentèrent, / Portant de grands pains dorés
Ça c’est du miracle…
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