Il suffit d'ouvrir un manuel de littérature grecque ou latine pour constater que les belles époques littéraires sont d'un demi-siècle alors que les littératures dites de décadence durent six cent ans.
Julien Benda – La France Byzantine
On a souvent tendance de mesurer la valeur et le prestige des civilisations à leur durée. Durée par rapport à laquelle le siècle est un minimum : siècle de Périclès, siècle d’or, siècle de Louis XIV…
Là-dessus, Benda nous inflige une douche froide : non seulement les belles époques littéraires durent bien moins (1/2 siècle), mais encore les périodes de décadences paraissent beaucoup plus stables, pérennes comme on dit aujourd’hui.
Je ne vais pas discuter de la question du bien-fondé de l’expression « littérature de décadence ». Par contre je trouve un peu piquant de constater qu’il se pourrait que la durée ne soit pas, dans la culture, un indice de la valeur : que ce qui vaut ne dure pas, mais en revanche que ce qui est entré en décadence puisse se maintenir pendant 6 siècles !
Qu’est-ce que la décadence selon Julien Benda ?
Si l’on prend l’exemple des écoles ou des courants dans la peinture, on a l’habitude de décomposer leur existence en quatre moments : l’avant-garde, la maturité, l’académisme ; enfin vient en quatrième la décadence « maniériste » caractérisée par l’excès des procédés inventés par le courant.
Je suppose que ce que Benda vise est notre troisième moment, l’académisme et non le « maniérisme » qui serait sans doute beaucoup plus bref, puisqu’on ne peut accentuer un procédé sans sortir inévitablement des limites de l’œuvre d’art.
Voilà donc la conclusion : la décadence est durable parce qu’elle est le moment de la répétition et de la stabilité. Elle est donc aussi le moment du pouvoir, la possibilité pour des « élites » de s’établir dans un statut qu’on ne remettra pas en cause puis qu’il s’agit désormais non plus d’inventer ou de créer mais de reproduire.
No comments:
Post a Comment