Aujourd’hui, tout s’est vilainement déréglé, tout a changé, même le climat et, à ce rythme, l’Allemagne va devenir une autre Italie, et Valladolid, une autre Cordoue.
Baltasar Gracian – Le Criticon, 3ème partie – Crise VI (Traduction Pelegrin, p. 396)
Ce texte date de … 1657, et sans doute restez-vous incrédule devant cette date. Mais si on se réfère aux historiens (voir l’Histoire du climat de Leroy-Ladurie), ces changements climatiques ont été régulièrement observés au cours des temps – même préhistoriques.
Deux observations :
- D’abord, je remarque que le climat est investi de la fonction de règle-déréglable, si l’on peut dire ainsi.
Car, l’ordre "réglé" peut être immuable, tel celui des étoiles dans le ciel. Les comètes sont source de troubles, mais elles ne bouleversent absolument pas l’ordre du cosmos (1). Par contre, ce qui dépend du climat est certes ordonné (cycle des saisons – succession des travaux des champs – paysages différenciés, de l’Allemagne et de l’Italie…), mais peut se dérégler. On peut dire que les phénomènes climatiques aberrants sont l’exemple même de ce qui, apparaissant hors saison, hors mesure, devient monstrueux.
- Ensuite, ce dérèglement est toujours investi d’un sens qui va bien au-delà de ses effets observables.
Par exemple dans mon jeune temps (années 50-60) l’opinion courante était que ces dérèglements étaient dus aux essais nucléaires : « Avec leur saloperie de bombe, le temps est tout détraqué… ». Chacun sait aujourd'hui qu'il s'agit du CO2 - oui, mais demain ?
On a fait aussi des phénomènes météorologiques la conséquence parfois surnaturelle d’actes naturels : Dieu avertit les hommes de sa colère avec des pluies de sang ou crapauds ; et puis quand la coupe déborde, il envoie le Déluge.
- Concluons : les changements climatiques font peur, alors qu’ils pourraient aussi bien apparaître comme une chance (ce que je soulignais plaisamment ici)
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(1) Rappelons que « kosmos » en grec signifie ordre, justement.
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