Ô si la jeunesse savait, /Ô si la vieillesse pouvait.
On dit aussi plus brièvement, si jeunesse savait, si vieillesse pouvait.
Henri Estienne – Les prémices / Genève 1594 (Épigramme CLXXXXI)
Le vieux proverbe : "Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait !" n'a plus de sens. La jeunesse sait et la vieillesse peut. La jeunesse sait que tout se paie, et la vieillesse peut tout payer. »
Henry Maret / Pensées et opinions / Paris, 1903
Qui a raison ?
Clarifions le sujet : Estienne dit en substance : « la jeunesse peut, mais ne sait pas ; la vieillesse sait, mais ne peut plus ». Maret dit « la jeunesse sait que tout se paie mais elle ne peut pas payer, la vieillesse sait (que tout se paie) et elle peut tout payer. »
Pour Estienne, la connaissance est affaire d’expérience (celle qui ne vient qu’avec l’âge) ; quant au pouvoir, ça se passe dans le corps. Rien à dire, encore une fois sous réserve que seule l’expérience longuement acquise au cours de la vie soit utile.
Pour Maret, c’est précisément cette expérience qui change : il suffit, dit-il, de savoir que tout se paie – et ça, il n’y a pas besoin d’avoir 90 ans pour le savoir. Les jeunes – les très jeunes mêmes – savent qu’il faut obtenir de l’argent pour avoir ce qu’on veut. Si c’est du cynisme, notre époque est peut-être désolante, mais elle est effectivement comme ça.
Toutefois, à mon sens l’erreur de Maret est de suggérer que les vieux cumulent savoir et pouvoir. Car ce que les vieux désirent, l’argent ne peut plus le leur payer. Et c’est même ça la différence avec les jeunes : ce que désirent les désirs des jeunes, pour autant que ce n’est pas directement accessible (comme l’est le désir d’embrasser une belle fille) de l’argent suffit à l’obtenir (par exemple la PS3). Par contre les vieux, eux, ne peuvent plus acheter ce qu’ils désirent, parce que ça ne se vend pas : la force et l’énergie de la jeunesse, la vivacité de l’esprit, l’appétit goulu.
Mais je vous entends murmurer : oui, mais embrasser une belle fille, avec des sous on peut encore l’obtenir...
Là, c’est vous qui êtes cynique.
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