Le plus grand mystère n'est pas que nous soyons jetés au hasard entre la profusion de la matière et celle des astres ; c'est que, dans cette prison, nous tirions de nous-mêmes des images assez puissantes pour nier notre néant.
André Malraux
On connait assez la question de Pascal : « Qu’est-ce qu’un homme dans l’infini ? » (1) pour reconnaitre que Malraux fait appel au même sentiment d’étrangeté et de déréliction que chacun de nous peut éprouver devant l’immensité d’un ciel étoilé, comme devant l’image des mondes microscopiques. On appelle ça « angoisse métaphysique »…
Mais il semble qu’à la différence de Pascal, Malraux ne nous invite pas à aller nous réfugier dans le giron d’un Dieu protecteur, ni à nous affronter en héros solitaire à ces mondes qui nous écrasent ; et encore moins à pleurer amèrement sur la condition humaine.
Plutôt que le désespoir, la fuite ou l’affrontement, Malraux nous invite à un dépassement : nier notre néant, c’est être nous aussi des créateurs d’infini : c’est à l’artiste et à sa puissance créatrice qu’il pense, et aussi au voyage vers cet infini que nous faisons en présence de son œuvre.
Seulement ces créateurs d’infini ne produisent que des images, c’est-à-dire des représentations – des « choses » qui requièrent la pensée pour exister. Par là j’entends non pas la pensée qui produit, mais la pensée qui reçoit. La symphonie n’existe que pour l’oreille qui l’écoute ; dans l’obscurité du musée, la Joconde n’est plus qu’un morceau de bois avec des taches de peinture dessus.
L’infini que crée l’artiste est un infini virtuel, il attend pour s’actualiser la pensée du spectateur. On ne va pas de l’infini tout seul.
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(1) A lire ici
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