Saturday, September 03, 2011

Citation du 4 septembre 2011

Si j'avais à rechercher quel a été le mal le plus profond, le vice le plus funeste de cette ancienne société qui a dominé en France jusqu'au seizième siècle, je dirais sans hésiter que c'est le mépris du travail. Le mépris du travail, l'orgueil de l'oisiveté sont des signes certains, ou que la société est sous l'empire de la force brutale, ou qu'elle marche à la décadence.

François Guizot – De la démocratie en France (1849)

Le mépris du travail, l'orgueil de l'oisiveté sont des signes certains (…) de la décadence (on note la référence aux sociétés esclavagistes qui englobent au moins la Grèce ancienne).

Nous qui sommes habitués depuis quelques années à faire de l’attitude en face du travail un critère de démarcation politique (1), nous pouvons nous interroger : que vaut cette affirmation ? Pourrait-on seulement la réfuter ? N’est-elle pas comme disait Popper infalsifiable, contrairement aux énoncés scientifiques qui perdent toute valeur s’ils échouent à rendre compte d’un seul cas ? (2)

1 – Avant la Renaissance, le travail dans la société médiévale est divisé en libéral et mécanique : les arts libéraux étant ceux qui débouchent sur la connaissance, et les arts mécaniques (et serviles) sur la production matérielle. Seuls les premiers étaient dignes des aristocrates, qui les considéraient compatibles avec l’oisiveté dont ils faisaient avec orgueil le propre de leur condition.

Cette ancienne société qui a dominé en France jusqu'au seizième siècle s’organisait alors en castes dominée par les guerriers, soutenus par le clergé et on trouvait tout en bas les « prolétaires », c’est-à-dire ceux qui nourrissaient tout ce monde.

En quoi était-ce décadent ? Simplement en ce qu’une telle société, rejetant la production de richesse en dehors de ses évaluations ne s’organisait pas sur la base du profit, critère qui est celui d’une société marchande.

2 – Au XVIème siècle se produisit la révolution de la renaissance avec la promotion de l’ingénieur. Le travail a maintenant pour tâche de transformer la matière, et de rendre possible la production de ce qui peut devenir richesse.

Lorsque Notre-Président disait en 2007 « Travailler plus pour gagner plus » il visait exclusivement des baisses d’impôts : que la rapacité de l’Etat ne vienne pas confisquer ce que les travailleurs méritants auront produit. Mais nous voyons aussi qu’il supposait acquis que le travail fournisse un profit, chose que la civilisation occidentale n’a pas forcément intégré toujours.

Etait-elle décadente pour autant ?

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(1) Voir par exemple ici

(2) La thèse de Popper appliquée au cas qui nous intéresse signifie que le concept de travail est ici strictement métaphysique – c’est à dire idéologique.

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