La décadence d'une société commence quand l'homme se demande : "Que va-t-il arriver ?" au lieu de se demander : "Que puis-je faire ?".
Denis de Rougemont – L'avenir est notre affaire
Il arrive que les idées les plus simples soient en même temps les plus profondes. Ainsi de cette explication de la décadence sociale. Car, au lieu de s’embarrasser de construction conceptuelle et d’exemples historiques, Denis de Rougemont nous dit : la décadence se signale par l’abandon de la lutte ; et c’en est en même temps la cause.
Du coup, voilà expliqué ce paradoxe de la décadence : ce sont toujours les vieux qui en ressentent la menace, alors qu’eux-mêmes ne sont pas menacés, puisqu’ils seront morts avant qu’elle engloutisse leur vieux monde. La décadence est l’effroi de celui qui se sent emporté par le courant et qui ne gouverne plus ; ce sont donc les vieux qui sont décadents, pas les jeunes – sauf exception, bien sûr.
Ne sommes-nous pas en train de vivre justement une telle époque ? Nous qui nous demandons quand allons-nous sortir de la crise alors même que nous sommes en train de nous engouffrer dedans, n’avons-nous pas l’angoisse du lendemain, parce que nous devinons qu’il ne sera pas comme aujourd’hui ?
Sans chercher plus loin, on voit bien que cette angoisse est une angoisse de riches : les peuples des pays pauvres, quant à eux, espèrent que demain ne sera pas comme aujourd’hui ; la décadence, eux ça fait longtemps qu’ils ne la craignent plus. Que pourrait-il leur arriver de pire que la misère qui est la leur ?
Si, quand même : les Somaliens ne craignent pas le lendemain, parce que c’est aujourd’hui qu’ils vont mourir de faim.
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