J'aime encore mieux l'enfer que le néant. L'enfer c'est la vie qui dure.
Georges Duhamel – Chroniques des Pasquier
Plutôt souffrir que mourir, / C'est la devise des hommes.
La Fontaine - La Mort et le Bûcheron
Terrible amour de la vie ! Préférer une éternité d’atroces souffrances et de désespoir sans fond au néant qui éteint toute existence…
On pourrait considérer que ce choix est totalement fictif, parce que nous n’y pouvons bien sûr rien. Mais en réalité il est l’occasion d’énoncer une évaluation en formulant un vœu : que la vie ne s’arrête jamais, même si elle était l’enfer sur terre, une somme de souffrances épouvantables, comme elle le devient dans certaines maladies. Telle était déjà le souhait du pauvre bûcheron de La Fontaine, et nous nous étions exprimé là-dessus il y a déjà bien des ans (voir ici).
Mais Duhamel renouvelle un peu le sujet : ce qu’il fuit, c’est le néant, entendu que si la vie s’arrête, alors c’est lui qui nous attend.
Laissons de côté la question de savoir si on imagine quelque chose quand on parle du néant. Remarquons plutôt que cette horreur qu’il nous inspire est d’ordre culturel, puisqu’elle est absente de certaines religions. Ainsi dans le bouddhisme, la « contemplation de la vacuité » donne lieu à des exercices de méditations particulièrement élaborés.
On me dira que la vacuité (sunyata voir ici) est moins le néant qu’une certaine forme de non-être – reste que certains courants du bouddhisme font de la déconstruction et du vide un moment essentiel pour se libérer des erreurs et des illusions de la vie.
De surcroit, dans la spiritualité orientale la mort reste marquée d’un coefficient positif, en tant qu’elle est une libération, justement parce qu’elle est l’anéantissement de l’âme individuelle : celle-là même que Georges Duhamel voudrait sauver, fut-ce au prix d’abominables souffrances.
L’amour de la vie est – dans ce cas – l’amour de soi-même.
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