Une planète est un corps androgyne,
pourvu des deux sexes et fonctionnant en masculin par les copulations du pôle
nord, et en féminin par celles du pôle sud. »
Charles
Fourier – Le Phalanstère
Les androgynes sont bien à plaindre… car
comment font-ils pour se faire l’amour ? Car n’est-ce pas, c’est bien cela
l’intérêt de l’androgynie (et non de choisir son sexe utile selon le besoin du
moment).
Oui, bien difficile de copuler avec
soi-même : cela on le sait depuis Kant : connaissez-vous le « paradoxe des objets symétriques » dans
la critique de la raison pure ? Non ? Lisez (en annexe) le
texte – Incompréhensible ? Pas grave ! Kant nous
l’explique : si vous voulez superposer votre main gauche sur votre main
droite, vous devrez la retourner et non pas la glisser : deux dimensions
ne suffisent pas (comme avec la ligne droite à une seule dimension), il en faut trois. C’est un
paradoxe parce qu’on ne peut un donner une raison strictement logique.
Maintenant, revenons à nos pauvres
androgynes; comment jouir d’eux-mêmes ? Pour
« superposer » leur sexe mâle sur leur sexe femelle, il leur faut
retourner l’un pour qu’il arrive à s’immiscer dans l’autre. C’est d’ailleurs ce que dit Platon : après avoir coupé ses androgynes en deux, Zeus qui du
coup vient d’inventer la sexualité, est bien obligé de déménager les sexes et
de retourner les têtes. Rien que du bricolage…
o-o-o
Magritte
– Le rêve de l’androgyne
Magritte avec son rêve de l’androgyne
fait-il mieux ? Nous en sommes au stade où les androgynes ont déjà été séparés :
ça ne change donc rien car le retournement a déjà été fait.
Sauf que la symétrie est beaucoup plus
poussée que précédemment : il ne s’agit plus simplement de la symétrie des
sexes qui est – osons le mot – simplement géométrique, l’un devant s’emboiter
dans l’autre ; non, il s’agit cette fois d’une symétrie de nature, car
notre androgyne est en plus une sirène (1). A la queue de poisson se trouvent en
symétrie les jambes du mâle ; au buste de femme répond la tête du poisson.
Comment ces deux-là vont-ils faire pour
copuler ? Inutile de demander à Kant : sa philosophie n’est d’aucun
secours ici.
Voyez la supériorité de la philosophie
orientale : le Kâma-Sûtra, lui, il connait la solution…
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(1) Une sirène et un … quoi ?
Remarquez que la sirène n’a pas d’équivalent mâle. Ce qui fait que le tableau
de Magritte est plutôt le « Rêve de la sirène »
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Annexe.-
L’espace n’est pas non plus un pur
concept. Un concept s’applique à une diversité d’objets qui lui préexistent
mais « quand on parle de plusieurs espaces, on n’entend par-là que les parties
d’un seul et même espace ». Considérons, d’autre part, ce qu’on nomme avec Kant
le paradoxe des objets symétriques : deux objets parfaitement semblables comme
la main droite et la main gauche, que l’on peut subsumer (penser un objet
individuel comme compris dans un ensemble) sous un même concept, ne sont
pourtant pas substituables puisque la translation d’une main sur l’autre fait
bien apparaître qu’il n’y a pas recouvrement de l’une par l’autre. Il y a là
quelque chose qui résiste à l’identité du concept.
L’espace est donc une forme pure de
l’intuition.
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