- Le droit de savoir est ce pouvoir de
tous qui, par la publicité (1) sur les affaires publiques, arrête l'abus de
pouvoir.
Edwy
Plenel – Le Droit de savoir (2013)
- Pour qu'on ne puisse abuser du
pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le
pouvoir.
Montesquieu
– De l'esprit des lois, livre XI – Chap. IV
Je touche aujourd’hui un sujet qui
exigerait pour être sérieusement traité de longs débats : il s’agit du
« droit de savoir » énoncé
sans précision, donc comme un droit absolu. Je me bornerai à quelques remarques
en espérant que chacun les prolongera à sa guise.
- Déjà, il faudrait savoir si ce droit
implique symétriquement un devoir – c’est à dire : un devoir de
transparence. Par exemple, la loi Kouchner de 2002 relative aux droits des
malades à connaitre leur état de santé stipule que les médecins ont
l’obligation de communiquer à leurs patients leur dossier médical.
Peut-on généraliser ? Pour recourir
à un exemple limite, pensons aux escapades nocturnes de François
Hollande : devait-il publier un communiqué avertissant qu’il ne serait pas
à l’Elysée parce qu’il allait coucher chez sa maitresse ? S’agissait-il
seulement de sa vie privée et a-t-il donc droit à la protection de celle-ci
comme n’importe quel citoyen ?
- Là-dessus, il y a la théorie des
magazines « People » : selon eux, dans certains cas le
« viol de la vie privée » n’en est pas un parce que, s’agissant de
personnalités publiques, le public a
le droit de savoir. La notion de vie
privée ne renverrait plus alors à une catégorie juridique, mais simplement au
lieu où se déroulent les faits qu’on va relater. Tout est public, parce que
rien n’est privé.
- Contre cette dérive, il y a la théorie
Mediapart développée ici par Edwy
Plenel : il s’agit de divulguer seulement l’information concernant les
affaires publiques (2). Et on justifie ce droit par la possibilité « d’arrêter ainsi l'abus de pouvoir ».
Les comptes off-shore de monsieur Cahusac dénoncés par Mediapart étaient une
menace d’abus de pouvoir, et il fallait bien que la presse s’en préoccupe,
puisque rien ne pouvait imposer à ce monsieur de dire la vérité.
Cette déclaration, qui, comme on le voit
par notre Citation-du-Jour,
convoque Montesquieu (ni plus ni moins), suppose que seul le pouvoir puisse
arrêter l’abus du pouvoir. Seulement, voilà : si la presse dispose d’un
pouvoir agissant comme contre-pouvoir, n’est-elle pas elle aussi un pouvoir
qu’il faut savoir arrêter pour en éviter l’abus ?
Là est un des nœuds du problème :
le pouvoir de la presse n’est-il qu’un contre-pouvoir ? S’arrête-t-il dès
qu’il a obtenu le dévoilement de l’abus poursuivi ? Et n’existe-t-il que
pour poursuivre de tels abus ? Qui donc peut contrôler le pouvoir de la
Presse à l’heure des infos qui circulent sur la Toile à la vitesse de la Rumeur ?
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(1) Publicité :
Action de rendre public; résultat de cette action (Source : TLF)
(2) On a compris que les escapades
nocturnes du Président ne concernent pas cette catégorie d’information. Encore
que si le président prend le risque de se faire tirer comme un lapin en s’exposant nuitamment dans les rues de
Paris à un sniper, ça nous concerne un peu.
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