Monday, May 05, 2014

Citation du 6 mai 2014



- Le droit de savoir est ce pouvoir de tous qui, par la publicité (1) sur les affaires publiques, arrête l'abus de pouvoir.
Edwy Plenel – Le Droit de savoir (2013)

- Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir.
Montesquieu – De l'esprit des lois, livre XI – Chap. IV

Je touche aujourd’hui un sujet qui exigerait pour être sérieusement traité de longs débats : il s’agit du « droit de savoir » énoncé sans précision, donc comme un droit absolu. Je me bornerai à quelques remarques en espérant que chacun les prolongera à sa guise.
- Déjà, il faudrait savoir si ce droit implique symétriquement un devoir – c’est à dire : un devoir de transparence. Par exemple, la loi Kouchner de 2002 relative aux droits des malades à connaitre leur état de santé stipule que les médecins ont l’obligation de communiquer à leurs patients leur dossier médical.
Peut-on généraliser ? Pour recourir à un exemple limite, pensons aux escapades nocturnes de François Hollande : devait-il publier un communiqué avertissant qu’il ne serait pas à l’Elysée parce qu’il allait coucher chez sa maitresse ? S’agissait-il seulement de sa vie privée et a-t-il donc droit à la protection de celle-ci comme n’importe quel citoyen ?
- Là-dessus, il y a la théorie des magazines « People » : selon eux, dans certains cas le « viol de la vie privée » n’en est pas un parce que, s’agissant de personnalités publiques, le public a le droit de savoir. La notion de vie privée ne renverrait plus alors à une catégorie juridique, mais simplement au lieu où se déroulent les faits qu’on va relater. Tout est public, parce que rien n’est privé.
- Contre cette dérive, il y a la théorie Mediapart développée ici par Edwy Plenel : il s’agit de divulguer seulement l’information concernant les affaires publiques (2). Et on justifie ce droit par la possibilité « d’arrêter ainsi l'abus de pouvoir ». Les comptes off-shore de monsieur Cahusac dénoncés par Mediapart étaient une menace d’abus de pouvoir, et il fallait bien que la presse s’en préoccupe, puisque rien ne pouvait imposer à ce monsieur de dire la vérité.
Cette déclaration, qui, comme on le voit par notre Citation-du-Jour, convoque Montesquieu (ni plus ni moins), suppose que seul le pouvoir puisse arrêter l’abus du pouvoir. Seulement, voilà : si la presse dispose d’un pouvoir agissant comme contre-pouvoir, n’est-elle pas elle aussi un pouvoir qu’il faut savoir arrêter pour en éviter l’abus ?
Là est un des nœuds du problème : le pouvoir de la presse n’est-il qu’un contre-pouvoir ? S’arrête-t-il dès qu’il a obtenu le dévoilement de l’abus poursuivi ? Et n’existe-t-il que pour poursuivre de tels abus ? Qui donc peut contrôler le pouvoir de la Presse à l’heure des infos qui circulent sur la Toile à la vitesse de la Rumeur ?
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(1) Publicité : Action de rendre public; résultat de cette action (Source : TLF)
(2) On a compris que les escapades nocturnes du Président ne concernent pas cette catégorie d’information. Encore que si le président prend le risque de se faire tirer comme un lapin en s’exposant nuitamment dans les rues de Paris à un sniper, ça nous concerne un peu.

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