Crains, malheureux, et défie-toi de ton espérance même.
Louis Bourdaloue –
Sermon sur la pénitence
Nous entendîmes, après dîner, le sermon de Bourdaloue,
qui frappe toujours comme un sourd, disant des vérités à bride abattue, parlant
à tort et à travers contre l'adultère.
Marquise de Sévigné
– 29 mars 1680
Les stars de 17ème
siècle.
Louis Bourdaloue, prêcheur jésuite dont la renommée est
parvenue jusqu’à nous grâce à madame de Sévigné (et aussi, il faut bien
l’avouer, au fait un peu croustillant que les dames qui l’écoutaient durant ses
interminables prêches devaient soulager leur vessie dans des urinoirs qu’elles
glissaient sous leurs amples robes – preuve qu’elles ne portaient pas de
culotte…).
Or, si ce Bourdaloue faisait chavirer d’émotion les
dames, les faisait se bousculer aux portes de l’Eglise où il montait en chaire –
néanmoins, il n’était pas spécialement réputé pour la badinerie de ses propos.
Bien au contraire : « Crains,
malheureux, et défie-toi de ton espérance même » : un coup à ouvrir le robinet du gaz en rentrant
de l’église !
Mais ce qui enflammait les auditrices de Bourdaloue
tenait peut-être aux multiples forces qu’il mobilisait durant ses sermons.
Réputé pour la rationalité de ses argumentations, le voilà quand même qui frappe comme un sourd, qui dit des
vérités à bride abattue, qui parle à tort et à travers. Il semble bien que,
dans l’émotion qu’il suscitait, la forme l’emportât sur le fonds : sans
doute les dames qui entendaient des prêches à longueur de journées, de semaines
et d’années, devaient être blasées. Tous ces discours devaient se valoir et
seuls ceux qui sortaient de l’ordinaire – moins en raison de leur contenu, que
par leur rhétorique, voire même grâce à l’intonation du prêcheur – devaient
être capables d’émouvoir l’auditoire. Que savons-nous de ces émotions ?
Sans doute étaient-elles beaucoup plus fortes que ce que nous pouvons imaginer
aujourd’hui. On sait que les indiens du Mexique soumis aux prêches des prédicateurs
espagnols s’évanouissaient devant les
descriptions de l’enfer et qu’il leur arrivait d’être pris de crises
hystériques.
… Quant aux autres effets de la voix humaine, rappelons
que certaines vénitiennes, du temps où le castrat Farinelli était au sommet de
son art, avouaient éprouver des orgasmes rien qu’en l’écoutant.
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