Tuesday, May 27, 2014

Citation du 28 mai 2014



Que serions-nous sans nos  haines ? Ce sont elles qui nous promettent la victoire.
Dialogue du film « Le miroir magique » de Manoel de Oliveira (2005)

Cette citation a été cueillie parmi une quantité d’autres possibles dans ce film si puissant (la puissance calme d’un réalisateur presque centenaire à l’époque où il réalisa ce film). Je renonce à en parler, d’autres l’ont fait il y a déjà longtemps (voir ici).

On sait que la haine est un puissant adjuvant de l’instinct de survie lorsque les conditions en sont très dégradées. On pense en particuliers aux détenus, emprisonnés pour de longues peines, sans autre horizon que l’espoir de se venger de ceux qu’ils estiment responsables de leur malheur. (1)
Pour le prisonnier, la haine est alors plus qu’un sentiment, plus qu’un désir : elle est le metteur en scène qui donne à vivre ce moment où les portes de la prison se refermeront derrière lui.
En évoquant le rôle d’un metteur en scène, on pense inévitablement à ces films qui ont exploité cet espoir, en particulier le western ou le film noir américain. Il s’agit à chaque fois de montrer l’épisode  de la vengeance, un peu comme le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas.
Mais ce n’est pas tant à cela que nous pensons aujourd’hui : il s’agit moins de la vengeance réelle que du fantasme qui la précède.
De même, nous éviterons d’évoquer cet aspect de la haine qu’on résume parfois par cette expression issue du parler-banlieue : « j’ai la haine ». Il ne s’agit pas en effet de cette boule psycho-physiologique qui place notre haine dans notre estomac, telle une pierre que nous aurions avalée et qui y resterait. (2)
Qu’est-ce que la haine apporte donc au malheureux prisonnier ? Comment est-elle capable de soutenir cet homme victime de toutes sortes de privations durant de si longues années ? C’est qu’en lui promettant de revivre cette fois victorieusement l’épisode de la trahison, la haine lui promet la victoire.
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(1) Nous parlons essentiellement du prisonnier enfermé pour une longue peine. Mais il va de soi que tout homme qui a subi un grave échec qu’il estime l’effet d’une trahison est concerné.
(2) Il faudrait faire une place à part au film de Mathieu Kassovitz : voir ici.

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