Celui qui connaît l'art de vivre avec
soi-même ignore l'ennui.
Erasme
Encore une sentence où Erasme joue sur
le paradoxe pour éveiller notre attention : car n’est-ce pas justement la
solitude qui suscite l’ennui ? Les bistrots n’ont-ils pas été créés pour
nous éviter de boire tout seul en nous proposant un lieu où rencontrer les
autres et parler avec eux ?
- Si Erasme est sérieux (et comment en
douter ?), il faut admettre que l'art
de vivre avec soi-même est un art particulièrement élaboré. En quoi peut-il
consister ?
o-o-o
La première idée est que l’ennui nait de
la vacuité du temps inoccupé : si étant seul on s’ennuie, c’est bien parce
que nous sommes « vides » pour nous-mêmes. Nourrissons donc de belles
pensées, développons de belles songeries, créons en imagination des œuvres
qu’il n’y aurait plus qu’à jeter sur le papier – ou sur la toile – et nous
verrons le temps passer à toute vitesse.
L’art de vivre avec soi-même ? Rien
n’est plus facile : fermons les yeux laissons nos mains dans nos poches,
et imaginons un poème pour l’amour qui est parti nous laissant seul – ou bien résolvons
le problème d’échec du week-end.
Bon : je vois des mines déconfites –
à ce compte, personne ne pourrait suivre le conseil d’Erasme.
Donc, admettons que l’art de vivre en
question soit d’abord un accélérateur de durée, quelque chose qui fasse passer
le temps le plus vite possible, sans laisser derrière lui ni de belles œuvres
ni des problèmes résolus.
--> J’ai ce qu’il vous faut : le fantasme.
Exemple
1 : le fantasme de la mousse au chocolat : vous fermez les yeux et
vous voyez le grand saladier rempli d’une mousse au chocolat. Pendant que
personne ne vous regarde, vous trempez votre doigt dedans : vous entendez
les petites bulles d’air éclater à ce contact, et voilà que vous sentez la
saveur du chocolat sur votre langue… Recommencez l’opération jusqu’à ce que
vous ayez autre chose à faire.
Exemple
2 : le fantasme du mateur. Toujours les yeux fermés et les mains dans vos
poches, vous vous imaginez chez des amis, dans votre chambre. C’est
l’après-midi, la chaleur, les persiennes sont tirées. Silencieusement vous
quittez votre chambre pour aller dans la salle de bains : en arrivant vous
constatez qu’elle est occupée mais que la porte est restée entrebâillée :
la femme de votre ami est devant le lavabo en trains de se rafraichir. Elle se
penche pour rincer sa poitrine à l’eau froide, faisant saillir le bouton de son
sein…
Attention ! Laissez vos mains dans
vos poches je vous prie ! De toute façon, c’est maintenant l’heure de
votre leçon de piano.
Exemple 3 :
le fantasme du professeur de piano…
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