Ni
l'Orient ni l'Occident n’ont rassasié [les romains] ; seuls, de tous les mortels, ils poursuivent
d'une égale ardeur et les richesses et la misère : enlever, égorger, piller,
c'est, dans leur faux langage, gouverner ; et, où ils ont fait un désert, ils disent qu'ils ont donné la paix.
Tacite – Vie
d'Agricola, 30
Commentaire II
Avec
La vie d’Agricola, Tacite nous plonge
en pleine Pax romana, durant le 1er
siècle ap-JC, en Bretagne (Attention ! Si vous sortez votre d’Astérix, ne
vous trompez pas d’album ! Il s’agit de la Grande Bretagne)
Oui,
les romains ce sont ces gens dont on peut dire : « où ils ont fait un désert, ils disent qu'ils
ont donné la paix ». Telle était la Pax Romana !
Il
faut lire le paragraphe 30 de ce texte de Tacite : on y trouve des Bretons
lucides : ils savent que les romains n’aiment rien tant que la destruction
et le massacre. La joie qu’ils en éprouvent les récompense des efforts et des
dangers de la guerre. Et la paix, si longue habituellement à construire, n’est
pour eux que la consommation, la plus rapide parce que la plus intense, des
biens de l’ennemi. Pour le reste, la paix romaine selon Tacite, c’est la paix des
cimetières.
o-o-o
Et
nous alors ? Quelle paix – ou plutôt : quelle guerre –
aimons-nous ? Sûrement pas cette ivresse de l’action, de l’égorgement et
du pillage. En effet, si je m’en tiens aux derniers développements de la guerre
moderne, je dois le constater : nous détruisons mais sans jamais tremper
nos mains dans le sang, sans jouir du
viol ou de l’étripement de l’ennemi.
Je
veux dire que la guerre moderne, faite à coup de rockets et de drones, dématérialise le rapport à l’ennemi. Il
faut imaginer un ingénieur dans son bureau du Pentagone, appuyant sur le bouton
qui déclenche le missile qui détruit le village ennemi. Certes, les Bretons de
l’époque de Julius Agricola auraient tout à craindre d’un ennemi tel que nos
Américains actuels. Mais au moins, ils pourraient être certains qu’ils ne
feraient pas la guerre pour le plaisir de détruire.
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