La beauté
est l’ensemble de ces choses qui nous traversent et nous ignorent, aggravant
soudain la légèreté de vivre.
Christian Bobin – L’Enchantement
simple, et autres textes
Eloge de l’inquiétude I
L’inquiétude
est l’expérience de la transcendance de la valeur, que ce soit celle du sacré
ou du beau.
De
l’inquiétude nait aussi bien le sentiment religieux que le désir d’extase
esthétique.
Sans
l’inquiétude, l’homme ne serait qu’un pourceau, tout juste bon à espérer
retrouver son auge. C’est l’inquiétude qui le pousse à devenir artiste ou
poète, qui relève son visage lorsqu’il sonde du regard le ciel nocturne. C’est
l’inquiétude qui fait de lui un métaphysicien….
Christian
Bobin nous mène au cœur de cette expérience de l’inquiétude : elle
apparait lorsque notre « légèreté de
vivre » nous parait être une carence. Et nous éprouvons
particulièrement cette insuffisance lorsque nous sommes traversés par la beauté
sans pouvoir la retenir, attestant pas là notre manque de densité.
Mais
demandons-nous : cette inquiétante légèreté, est-elle la nôtre, ou bien
celle de la beauté ? On songe alors à la comparaison avec les
neutrinos : ils traversent notre corps à chaque instant par milliards sans
même que nous le sachions – mais les physiciens ne songent pas du tout à s’en
inquiéter : cette particularité atteste non pas la déficience de la
matière dont nous sommes faits, mais bien la quasi immatérialité de cette
particule élémentaire.
o-o-o
Pour ma
part, je relève quand même dans cette citation que la beauté à la fois nous
transperce, mais qu’elle est en même temps insaisissable. Est-elle venue d’un
ailleurs transcendant ? Est-elle éphémère – justement comme ces particules
qui ne vivent qu’un temps infime ?
Si l’on en croit la citation complète de
Bobin (voir Annexe), il n’y pas de doute : la beauté est l’expérience
d’une transcendance qui est caractérisée par l’éphémère : c’est par elle
que l’extraordinaire éloignement de la beauté peut se révéler.
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Annexe – « À l’enfant qui me demanderait ce
que c’est que la beauté – et ce ne pourrait être qu’un enfant, car cet âge seul
a le désir de l’éclair et l’inquiétude de l’essentiel – je répondrais ceci :
est beau tout ce qui s’éloigne de nous, après nous avoir frôlés. Est beau le
déséquilibre profond que cause en nous ce léger heurt d’une aile blanche. La
beauté est l’ensemble de ces choses qui nous traversent et nous ignorent,
aggravant soudain la légèreté de vivre. » Christian Bobin
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