Appelons la femme un bel animal sans fourrure dont la peau est très recherchée.
Jules
Renard – Journal
Qu’est-ce que la femme a de commun avec
l’animal ? Sa crinière ? Sa démarche féline ? Ses coups de
griffe ?
- Selon Jules Renard la femme est cet
animal paradoxal qui possède une peau mais pas de fourrure et qu’on aime pour
cela. Si on laisse de côté les fantasmes érotiques que soulève cette
observation, poussons un peu plus loin ce propos : imaginons une peau de
femme sans femme.
C’est cette image qui vient d’être
activée par l’annonce de la découverte d’un livre relié en peau de femme dans
un vieux fonds du 19ème siècle de la bibliothèque de Harvard (1).
Livre
relié en peau de femme. Bibliothèque de Harvard
Cette image provoque un certain malaise – oui, mais
pourquoi ?
1
– Une femme serait intéressante parce que sa peau ferait un très beau vélin. Malgré
soi, on pense aux nazis dont on dit qu’ils faisaient des abat-jours de
parchemin avec la peau des juifs. Vraie ou pas cette légende apparait comme un
mépris ultime pour l’être humain qui est alors ravalé au rang de l’animal de
boucherie destiné à l’équarrissage.
2
– Ou alors, parce que l’amour du corps féminin serait dans ce cas uniquement amour
de la peau féminine. Désirer ne conserver de la femme que la peau, c’est faire
à coup sûr du fétichisme. De même que celui qui est fétichiste du pied ou du nombril
fixe son désir sur cette partie du corps, le fétichiste de la peau serait celui
qui imaginerait relier son livre de chevet avec la peau de la femme qu’il aime.
Et voilà que ça existe : vous en
aviez rêvé ? Le docteur Boulland l’a fait. Si ce livre est pour nous
source de désagrément, n’est-ce pas parce qu’il nous confronte à notre propre
désir ?
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(1) « Un livre relié en peau de
femme retrouvé à Harvard ; il s’agit Des
destinées de l'âme, d'Arsène Houssaye, un auteur français des années 1800
aussi connu sous le pseudonyme d'Alfred Mousse.
Le propriétaire du livre était le
Docteur Ludovic Boulland, (1839-1932), bibliophile et ami d'Arsène Houssay.
La
peau a été identifiée comme appartenant au corps d'une patiente du médecin
atteinte de maladie mentale, et morte d'une crise cardiaque. Ludovic Bouland a
même laissé une note : « Un livre sur l’âme humaine méritait bien
qu’on lui donnât un vêtement humain: aussi lui avais-je réservé depuis
longtemps ce morceau de peau humaine pris sur le dos d’une femme. » –Dépêche de Presse
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