Tuesday, June 10, 2014

Citation du 11 juin 2014



L’avenir est inconnu et source d’inquiétude : seuls les condamnés à mort sont rassurés.
Francis Duponchelle – Pour la science

Eloge de l’inquiétude III
Duponchelle ironise, mais il énonce une vérité. L’inquiétude signifie que l’avenir n’est pas encore fait. Il n’est pas écrit, ou alors, s’il l’est, nous ne le savons pas.
Pour éviter l’inquiétude, il faut donc être certain de l’avenir – ou si l’on préfère, certain que tel évènement que nous espérons ou redoutons, va se produire – ou pas – dans un délai très précis. Le pauvre espère que le jour qui se lève lui offrira son repas quotidien. Le riche n’espère rien du tout de ce genre car il est sûr du résultat.
L’homme est un être mortel : s’il aime la vie, il peut se demander avec inquiétude s’il vivra encore ce soir. Le condamné à mort qui voit le jour se lever et qui sait que son exécution doit avoir lieu, n’a pas besoin de s’inquiéter : il sait qu’il va mourir dans 2 heures – dans 1 heure – dans 30 minutes…
Que préférons-nous ?
S’inquiéter de l’avenir, c’est peut-être en désespérer, mais c’est aussi l’espérer.
Ne pas nous inquiéter ?
Cette question clive la philosophie en deux camps : d’une part ceux qui estiment que l’inquiétude est la source du mal, et que seule une vie limitée à l’instant présent mérite d’être vécue. Vous avez reconnu l’épicurisme.
Et puis, il y a ceux pour qui l’inquiétude (souvent rebaptisée angoisse) est l’indispensable révélation de la fragilité de notre nature, de la faille qui nous parcourt en profondeur : voici l’existentialisme (1).
Application ?
A propos de la mort : notre mort est certaine, oui – mais nous ne savons pas en quoi elle consiste. Quelle sensation, ça fait donc de mourir ? Est-ce que ça fait mal ? Est-ce qu’on voit une lumière blanche au bout d’un tunnel ? Aucune idée. Donc, appliquons nous à vivre sans y penser : nous mourons pardessus le marché, comme disait Sartre.
Oui, mais s’il y a une certitude c’est bien que notre vie est limitée. Voyez le vieillard : lui, il sait qu’il n’en a plus pour très longtemps. Ce qu’il n’a pas encore fait, il faut qu’il se dépêche de le faire, parce que plus tard, ce sera sans doute trop tard. La certitude de la mortalité est un accélérateur d’intensité pour notre vie. C’est grâce à la mort que notre vie devient le souci de vivre (Heidegger).
Christian Bobin ironise sur le condamné à mort : qui donc voudrait être à sa place ? Mais en réalité, même si nous savions que nous devons mourir dans un mois (maladie fulminante), nous aurions encore la possibilité de faire ce que le prisonnier ne peut pas faire : comme de revoir nos proches et nos amis, leur dire adieu et nous réconcilier avec ceux qui nous ont fâchés.
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(1) L’existentialisme chrétien du moins.

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