Pourquoi
ai-je vécu toute ma vie avec des gens qui se dressent automatiquement contre le
pouvoir, “le gouvernement”, qui considèrent que toute autorité est mauvaise
d’emblée, qui attribuent des motifs douteux et vénaux aux politiques, à
l’establishment, à la classe dirigeante, au conseil municipal, au directeur
d’école ?
Doris Lessing – Dans ma peau
Amour du pouvoir I
Un
exercice salutaire de la philosophie est de nous contraindre à nous confronter
à la contradiction : et si ceux qui pensent autrement que nous avaient de
bonnes raisons de le faire ? Et si leurs arguments étaient
pertinents ?
Comme
le savent ceux qui fréquentent ce blog, je fais partie de ceux qui considèrent que toute autorité est
mauvaise d’emblée, qui attribuent des motifs douteux et vénaux aux politiques,
à l’establishment, à la classe dirigeante… Ce dont Doris Lessing se
plaint : sans doute aurait-elle préféré vivre avec des gens plein de leur
idéal et forts des motifs d’agir qui les portaient. D’ailleurs, connaissant
l’engagement qui fut le sien on espère bien qu’à l’inverse de ce qu’elle écrit
ici, elle a aussi vécu avec des gens comme cela (1).
Oui,
Doris Lessing a dû en connaitre, des militants sincères, prêts à se sacrifier
pour faire triompher leurs nobles idéaux – ça existe ! Oui, la politique
est aussi le lieu où se rencontrent des hommes et des femmes admirables. Mais
où se cachent-ils donc ? Je veux dire : est-ce que ce sont eux qui
dirigent le pays ? Font-ils donc partie de « la classe
dirigeante » ?
Hélas !
On aimerait qu’il en soit ainsi, mais c’est ici que le doute s’installe. Quand
une révolution se produit quelque part, le peuple assoiffé de justice renverse
au risque de sa vie le tyran. Mais voici que pour prendre le pouvoir déferlent
les politiciens revenus d’exil. Et les voici tricotant sournoisement des lois
liberticides – et alors le peuple incrédule s’aperçoit peu à peu que tout est à
refaire. Si on ne me croit pas, alors qu’on regarde ce qui s’est passé, suite
aux printemps arabes de Tunisie, d’Egypte, de Lybie…
Seule
la crainte d’être chassés du pouvoir les fait marcher droit : parce que
c’est justement le pouvoir qu’ils aiment par-dessus tout.
La suite
à demain – si vous le voulez bien.
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(1)
Ses engagements au P.C. puis comme féministe sont assez connus – Voir ici
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