Un
repas est insipide, s’il n’est assaisonné d’un brin de folie.
Erasme
Parmi
les phénomènes de société qui m’étonnent, il en est un qui concerne la
télévision : le foisonnement des émissions consacrées à la cuisine ;
un peu comme si on passait son temps à préparer des bons petits plats, et que
du coup on n’avait jamais le temps de les manger.
…
On me dit que j’exagère : il y a des émissions comme Un diner presque parfait qui se passe autour de la table. Mais là
encore, il s’agit de juger le cuisinier (un peu comme au restaurant on voit
parfois le chef, toque-en-tête, venir consulter les dineurs pour savoir s’ils
sont content de ses préparations) – et d’ailleurs à supposer qu’on nous montre
des gens en train de se régaler, savourant les yeux fermés dans l’extase de la
dégustation : qu’est-ce que vous voulez que ça nous fasse ? Quittons
l’écran de télé et passons plutôt dans notre cuisine.
o-o-o
Or
voilà Erasme qui s’y invite – dans notre cuisine : « Parlez si vous
voulez, nous dit-il, de gastronomie,
mais n’oubliez pas de dire que l’essentiel c’est là encore la folie. »
Qu’est-ce
qu’un brin de folie dans une
cuisine ? A mon avis, il s’agit du moment où, sous le coup de l’inspiration
créatrice, on va transformer la préparation, ajouter quelque chose d’imprévu à
la recette, quelque chose qu’on ne refera peut-être pas ensuite, et qui n’a eu
lieu que sous la poussée de l’inspiration (1). Car elle est là, la folie
d’Erasme : c’est le moment où les cadres guindés de la raison volent en
éclat sous les coups de la liberté.
A
bas les chefs ! En cuisine aussi, il y a une place pour les anarchistes
(2)
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(1)
Ceux qui fréquentent le site marmiton.com
doivent être amusés de lire les commentaires laissés par les internautes qui
ont tenté une recette : il arrive que la personne qui a cuisiné le plat en
question ait modifié de fond en comble la recette, comme si refaire ce que
d’autres ont déjà fait était indigne d’un vrai cuisinier.
(2)
Une remarque : ce n’est sûrement pas vrai pour la pâtisserie. Raison pour
laquelle je n’en fais jamais.
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