1
– Si la vie est misérable, elle est pénible à supporter ; si elle est heureuse,
il est horrible de la perdre. L'un revient à l'autre.
La Bruyère – Les Caractères
2
– J’veux mourir malheureux pour ne rien regretter.
1 – Lisez La Bruyère, et puis allez
fourrer votre tête dans le four de la gazinière : ouvrez le robinet du
gaz.
Ou
alors :
2 – Chantez avec Balavoine, et
bazardez tout ce qui fait votre bonheur : du coup vous ne risquerez plus
d’être malheureux.
D’un
côté, vous avez ce qu’on appelle couramment le pessimisme ; de l’autre
l’optimisme : choisissez votre camp.
La
Bruyère est très réaliste : sauf que, pour tout le monde, la vie est
suffisamment heureuse pour qu’on regrette de la perdre (1).
Oui,
mais alors nous sommes enfermés dans un dilemme : c’est parce que nous sommes heureux que nous devons
désespérer.
L’opinion
courante évoque souvent pour caractériser ces deux attitudes la formule
« Docteur Tantmieux » et
Docteur « Tantpis ». Vous
êtes heureux ? Tant pis pour vous, parce que vous allez angoisser à l’idée
de ce que la mort vous fera perdre. Vous êtes malheureux ? Tant
mieux ! Vous n’avez rien à craindre de la mort : elle ne pourra rien
vous prendre parce que vous avez déjà tout perdu.
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Sophismes que tout cela ! Faut-il donc vivre comme un mort pour ne pas la
craindre ? Faut-il plaindre les gens jeunes riches et beaux parce qu’ils
ne garderont pas toujours tout cela ?
J’ai
une solution : je tâche de vivre le mieux possible, et si cela entraine
une usure de mon organisme, eh bien tant mieux ! Qu’au moment du
trépas je sois persuadé que plus rien de mon corps ne soit encore utilisable,
parce que j’ai tout consommé : usé mon foie, encrassé mes poumons,
transformé ma prostate en éponge, bouché mes artères, grillé mes
neurones…
C’est
peut-être égoïste, mais je considère qu’il serait bien qu’on ne puisse plus
rien prélever sur mon cadavre comme susceptible d’être greffé sur quiconque.
Alors :
et vous, que faites-vous pour en arriver là ?
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(1)
C’est ce que dit La Fontaine avec son bûcheron
qui appelle la mort et qui la congédie quand elle vient.
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