Ce n'est pas en tuant ses parents que l'on devient adulte, mais en tuant l'enfant de ses parents, une cible beaucoup plus difficile.
Benoîte Groult
Comment sait-on que l’on est adulte ? Question sournoise s’il en est, nourrie par la certitude que certains adultes sont en réalité des grands enfants, et que la maturité physique ne leur a pas suffit.
Si en effet la puberté marquait le passage au stade adulte, comme chez l’animal, l’homme serait un animal ; on peut le regretter, mais ce n’est pas le cas. Dans les sociétés traditionnelles, les rites de passages dans le clans des adultes sont là pour nous le rappeler, et nous mêmes savons bien qu’être adulte c’est se conformer à une norme plus que d’accéder à un fait.
Bref : il faut faire quelque chose pour être adulte, ça ne viendra pas tout seul. C’est là que la citation de Benoîte Groult prend tout son intérêt : laissons de côté, nous dit-elle, la vulgate psychanalytique. Vous ne serez un adulte que le jour où vous aurez renoncé à être l’enfant que vous avez été. Ou plutôt non. Disons : vous ne serez un adulte que le jour où vous aurez renoncé à être l’enfant qu’on a voulu que vous soyez. Le « on » en question désignant vos parents.
Faisons simple : imaginons que vous êtes une fille, alors que votre papa voulait un garçon. Il peut se résigner : tant mieux pour vous. Il peut vous rejeter : tant pis pour vous. Mais il y a pire : il peut aussi vous missionner pour être un garçon quand même. Peut-être qu’il ne vous achètera pas des soldats de plomb, mais il vous désignera comme celui qui est capable de devenir celui qu’il n’a pas su être, de réaliser les aspirations qu’il a échoué à réaliser. Et là votre voie est toute tracée : la névrose vous attend. C’est un cas extrême ? Soit. Mais ça marche aussi dans tous les autres cas.
Ce que dit en effet Benoîte Groult, c’est que tous les enfants doivent un jour ou l’autre lutter contre cette identification à l’image qu’on a forgé d’eux : celle de l’enfant chéri qui ne peut que combler le monde entier ; celle de l’enfant-crétin qui ne peut que décevoir ; celle du menteur, celle du surdoué…
On va s’exercer : décrivez-moi l’enfant que vous auriez pu ou que vous auriez dû être…
1 comment:
Intéressant.
Je ne sais pas quel enfant j'aurais du être, mais j'ai toujours cette impression d'être "un vilain petit canard" (aux yeux de ma mère surtout) Mais, bon, cela n'intéresse personne :) En tous cas merci pour cet "éclairage"
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