… il est tout à fait contraire à la nature de la philosophie d’être un gagne-pain, car il est contraire à son caractère essentiel de se conformer au vain espoir de la demande et à la loi de la mode.
KANT - Annonce pour le semestre d’hiver 1761-1766
Permettez-moi de revenir un instant sur le métier qui fut le mien : enseigner la philosophie.
La Citation du 15 septembre 2006 s’interrogeait sur les risques de ce « métier ». Maintenant avec Kant nous nous rapprocherons du cœur du problème : à quelle demande répond cet enseignement ? Pourquoi y a-t-il de la philosophie dans les programmes des terminales ? J’énumère les réponses usuelles : former des citoyens ; transmettre une culture ; donner une autonomie dans l’examen de la pensée ; stimuler la réflexion critique…Et vous, les usagers, vous vous retrouvez là dedans ? Oui et non, hein ?
Alors est-ce qu’on ne devrait pas se demander si l’attente par rapport à la philosophie ne serait pas plutôt du côté du « vain espoir de la demande » et de la « loi de la mode » ?
Je n’ai pas la place d’argumenter de façon détaillée. Je vous livre mon sentiment : la philosophie est investie par les non-philosophes d’une demande de « sens ». Depuis que les fidèles fuient les confessionnaux des curés (1), certains se sont tournés vers la philosophie morale et politique : le vain espoir de recevoir une réponse à des questions du genre : « la vie mérite-t-elle d’être vécue », où : « Qui suis-je ? », « Où vais-je », etc.. (2)
Certains profs de philosophie ont tendance à mépriser cette demande : la construction de systèmes, les aventures de la pensée conceptuelle est leur seul terrain, il n’y a que là qu’il éprouvent de la jouissance. Bien entendu, c’est jouissiiiiiiif, je ne le nie pas. Mais je ne méprise nullement la quête de sens. Kant lui-même, assignait comme but à la philosophie - entre autre - la question : « Que m’est-il permis d’espérer ? ». Que serait une philosophie qui n’aurait pas de conséquences dans la vie réelle ? Le seul problème c’est que chacun vit sa vie, et donc que chacun devrait avoir sa propre philosophie.
Impossible direz-vous, et vous aurez raison. Mais si nous ne sommes pas Kant ou Spinoza, nous pouvons très bien utiliser leur pensée pour penser notre vie, sous condition d’être capables, nous les « usagers », de repenser ce que d’autres ont déjà pensé.
… « repenser ce que d’autres ont déjà pensé » comment ça marche, ça ? Hé bien, demandez au prof de philo le plus proche : répondre à cette question, c’est ça aussi son métier.
(1) Je sais : les Imams et les pasteurs ont le vent en poupe…
(2) Quant à « la loi de la mode », après Nietzsche, Marx, Freud, Sartre, Foucault, Wittgenstein, on est un peu en panne en ce moment. Mais ça va redémarrer, soyez-en sûr.
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